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21 novembre 2016 1 21 /11 /novembre /2016 16:30

GRAVEMENT BLESSE EN ALGERIE

Le caporal Philippe SENCE

reçoit la médaille militaire

pour son courage et son sacrifice

Sur son lit du Val-deGrâce à Paris, un militaire récemment rapatrié d'Algérie renaît lentement à la vie, et souffre en silence. C'est un jeune Mouvallois, le caporal Philippe Sence, du 22ème RI, fils de M Sence, contrôleur principal des contributions indirectes à Tourcoing, demeurant 83 rue du Congo à Mouvaux.

Le 4 mars 1959, en compagnie d'un groupe de ses camarades, il tombait dans une embuscade tendue par les rebelles à Ténès, dans l'Oranais. Après s'être farouchement battu pour lui même et pour ses camarades, il était grièvement

   

 

blessé de quatre balles dans la tête et laissé pour mort sur le terrain.

Relevé et conduit à l'hôpital d'Alger, il y subit une grave opération, et resta 19 jours dans le coma. Il vient d'être rapatrié  au Val-de-Grâce. Son état de santé s'améliore lentement, mais pour l'instant, un centre nerveux ayant été atteint par projectile, il reste paralysé des deux jambes et du bras gauche. On espère cependant que les soins dont il est l'objet lui permettront de retrouver l'usage de ses membres.

Dans une lettre adressée aux parents de notre héroïque concitoyen, son capitaine affirme que le courage et le sacrifice de leur fils avaient sauvé la vie de ses camarades. En décembre 1958, le caporal Philippe Sence avait obtenu la croix de la valeur militaire avec palme pour son attitude digne d'éloges lors d'une opération dans l'Ouarsenis. Son nouveau fait d'armes qui l'a atteint si cruellement lui vaut aujourd'hui la Médaille militaire avec une citation à l'ordre de la brigade.

Agé de 25 ans, ancien élève de l'IPR de Roubaix, Philippe Sence avait, avant son incorporation suivi les cours d'élève officier mécanicien de la Marine marchande.

Avec nos voeux pour un rétablissement aussi rapide que possible de leur fils, nous adressons à M. Sence et à sa famille nos sentiments d'admiration et de vive sympathie.

§

Nous ajouterons un mot pour déplorer le négligences de l'autorité militaire à avertir les familles des militaires blessés en Algérie. C'est ainsi que M.Sence n'a eu connaissance, officiellement, de la tragédie dont son fils avait été la victime, que bien après que des camarades de celui-ci ne l'eussent informé. Même négligence en ce qui concerne le rapatriement au Val-de-Grâce. Aucun  avis officiel n'est encore venu en informer les parents. Il y a là, une grave et pénible anomalie, à laquelle, espérons-le, il sera rapidement porté remède, non pas tant maintenant pour le fils de M. Sence que pour les cas qui pourraient se présenter dans l'avenir.

 

Extrait de presse locale qui m'a été communiqué par un membre de la famille de Philippe.

                              Michel.

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2 octobre 2014 4 02 /10 /octobre /2014 10:40

L'EMBUSCADE DU 28 FEVRIER 1957

SUR LA PISTE DUPLEIX - BOUYAMENE

 

Pour compléter le récit J.C. Picolet voici les interventions et les opérations qui ont été menées, à partir du camp de Béni Bou Hanou, auxquelles toute la section a participé après l'embuscade de Dupleix.

 

Notre section la 4ème faisait partie de la 2ème compagnie située à Bou Yamene, mais détachée au camp de Béni Bou Hanou, situé à mi-chemin sur la piste Bou Yamene/Tazerout. Nous sommes arrivés en décembre 1956 pour relever les rappelés, et quitter ce camp en juin 1957 pour la ferme Maître.

la-ferme-MAITRE-a-GOURAYA-photo-C.ROCHARD.jpg     La ferme Maitre (photo Claude Rochard)

Le convoi de ravitaillement montait chaque semaine jusqu'à Béni Bou Hanou pour nous ravitailler, je connaissais plusieurs camarades et gradés qui ont été tués dans l'embuscade.

Camp-de-BENI-BOU-HANOU-2eme-Cie-photo-C.ROCHARD.jpg

     Camp de Beni Bouhanou (photo Claude Rochard)

 

Dans la liste de ces malheureux figurent deux camarades de notre section qui avaient pris le convoi pour descendre à Gouraya.

Paul Lafitte pour des soins dentaires, il a été blessé, et est décédé suite de ses blessures le 03 mars 1957 3 jours plus tard à l'Hôpital Maillot Alger.

Robert Bories permissionnaire libérable, a été tué dans cette embuscade, il rentrait en France.

Paul Lafitte   Robert-Bories-.jpg

 

Il est exact que les permissionnaires descendaient à la C.C.A.S sans arme, ils n'auraient donc pas pu riposter.

 

 

A l'époque le nombre de fellaghas en embuscade avait été estimé à cent vingt, nous connaissions bien cette piste pour l'avoir prise plusieurs fois. Les taillis et les buissons assez denses arrivaient jusqu'aux bords de la piste, c'est ce qui a sans doute permis aux attaquants de mieux se dissimuler ?

Après l'embuscade les versants ont été déboisés de chaque côté sur environ sur 30 mètres.  

Dés la connaissance de l'embuscade des opérations de bouclage, et de ratissage ont été immédiatement mise en place pour l'ensemble du 1er bataillon.

Béni Bou Hanou

La piste Bou-Yamène Dupleix à une distance d'environ 20 Kilomètres, à chaque fois que le convoi montait la moitié de notre section partait pour la journée en protection sur les crêtes surplombant la piste. Je ne connais pas le point kilométrique où se trouvait notre groupe ce jour là, mais je pense qu'il devait-être assez éloigné du lieu de l'embuscade.  

L'autre groupe dont je faisais partie, était resté de garde au poste. Vers 15 heures, nous avons vu arriver par la piste venant de Tazerout un convoi d'une dizaine de G.M.C. qui amenait en renfort une compagnie de tirailleurs sénégalais, ils sont aussitôt partis en ratissage, (voir photos)

BENIBOUHAOU-Camions-des-Senegalais.jpg

     Convoi des tirailleurs Sénégalais à Béni Bou Hanou (photo Claude Rochard)

A aucun moment nous n'avons vu de troupes héliportées sur notre secteur.

Le soir en revenant au camp, les tirailleurs sénégalais, ont ramenés une quinzaine de suspects et un camarade mort René Presle, les prisonniers ont été interrogés par le chef de section le lieutenant Christian Pasteau, (Saint-Cyrien)

Béni Bouanou interrogation par le Lt Pasteau de suspect ap

     Interrogation d'un suspect par le lieutenant Pasteau (photo Claude Rochard)

Ce lieutenant après avoir servi au 22ème R.I. a été affecté par la suite au 1er régiment étranger de parachutistes, il a été tué le 19 décembre 1959 à Zéralda région de Cherchell

Christian-Pasteau-parcours.jpg 

Vers 20 heures notre groupe (10 hommes) qui était resté au poste dans la journée, dirigé par le sergent Hébert a reçu l'ordre d'aller monter une embuscade, à la jonction de deux sentiers muletiers, éventuels chemins de repli des fellaghas.

Nous sommes restés en position jusqu'à 1 heure du matin, étant à découvert, nous avons été obligés de décrocher car la situation devenait dangereuse, deux T6 nous ont survolés à plusieurs reprises et ont commencé à lancer des lucioles, ces dernières éclairaient la nuit comme en plein jour. Nous avons cru être repérés et pris pour des rebelles, Le sergent a jugé plus prudent de redescendre se mettre à l'abri sur la piste en contre bas.

Camps de Bou Yamene et de Dupleix (ferme Buthiaux)

Dans son compte-rendu le commandant Cailhol indique que la section du lieutenant Christman de la 2ème compagnie de Bou-Yamène et la 3ème compagnie du capitaine Medy de Dupleix sont arrivés en renfort sur les lieux 15 à 20 minutes plus tard pour dégager les survivants. Un de mes camarades venu de France avec moi, faisait partie de la section Christman.

Louda Louze

Pour la 1ère compagnie postée à cette époque à Louda Louze, nous n'avons eu aucun renseignement sur sa participation aux recherches des H.L.L.

Après l'embuscade, nous sommes restés trois semaines sans être ravitaillé, notre approvisionnement c'est ensuite fait par parachutage depuis un Nord Atlas et cela jusqu'à fin juin 1957 date de notre départ pour à la ferme Maitre

près de Gouraya.

Ravitaillement-de-BENI-BOUANOU-par-un-nord-atlas.jpg

 Nord Atlas ravitaillant le poste après l'embuscade (photo Claude Rochard)

 

Aïssa choc des cultures.

50 ans après cette guerre un Chouf qui avait 11 ans en 1957 raconte un événement qui se serait produit après l'embuscade. Ce récit est paru dans le nouvel Obs du 17 septembre 2008.

 

Pendant mon séjour au 22ème nous n'avons jamais eu connaissance de ce fait, les autorités ont-elles voulu taire cet évènement ? 

Cet ancien chouf indique dans son récit qu'un jeune soldat français, aurait été fait prisonnier lors de la bataille de Bou-Yamène et aurait été emmené à travers le djebel pendant 15 kilomètres, pour rejoindre le village Hayouna, situé dans l’arrière pays de l'Oued Messelmoun.

Ce prisonnier n'est pas René PRESLE, que les tirailleurs sénégalais ont retrouvé mort sur le lieu de l’embuscade et qu’ils ont ramené le jour même à Béni Bou Hanou. J'étais présent quand l’infirmier a soulevé la toile de tente qui le recouvrait, il était sur une civière encore habillé de son treillis, et de son casque, mais il ne portait aucune trace de lapidation.

Claude Rochard

 

 

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7 novembre 2013 4 07 /11 /novembre /2013 09:18

LE POINT SUR LE BLOG

 

 

Créé le 25 novembre 2008, ce blog consacré au 22ème Régiment d'Infanterie, et Insigne-du-22-RI-copie-1.jpgplus particulièrement à la période 1956/1963 en ALGERIE, va dans les tous prochains jours atteindre ses 5 années d'existence.

 

Il vient de dépasser le seuil des 100 000 visites, avec très exactement, 100 296 visites le 31 octobre 2013.

 

Merci à tous ceux qui le suivent très régulièrement.

 

Une nouvelle série d'articles, présentant les postes occupés par des unités du régiment vient de débuter. J'invite tous ceux qui seraient tentés de présenter le ou les postes où ils étaient affectés, à me contacter. Je pourrai les aider à mettre en forme leur texte, à l'animer et le rendre plus attrayant en y insérant des photos de l'importante collection que je possède.

 

A bientôt.

 

 

                                                                                     Michel.

 

 

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 11:48

LA DOUBLE EMBUSCADE DE SADOUNA

 

QUARTIER DE GOURAYA

 

 

            J'ai découvert sur le "Net" plusieurs récits, sur différents sites, apparemment du même auteur, concernant une embuscade tendue par le FLN en juin 1956 à deux unités de l'Armée Française sur le plateau de Sadouna au sud de Gouraya.

 

            Ce récit a été publié, entre autres, sur le Nouvel Observateur les 24 et 27/02, 1/03 et 5/12/2012 (cf. références en fin du présent article), sans aucune réserve, lui donnant ainsi force probante de preuve, le rendant donc digne de foi.

 

            Comme ces articles impliquent notamment le 22ème R.I. dans lequel j'ai servi en tant que chef d'une harka quelques années plus tard et que mon "terrain d'intervention" incluait Sadouna, je me suis intéressé à cet évènement dramatique en vue de procéder à une analyse critique puisqu'il m'était inconnu.

 

LES FAITS

 

            J'avais tout d'abord pensé faire une synthèse des différents articles trouvés. Mais il en existe plusieurs versions, plus ou moins longues, plus ou moins détaillées, même si toutes sont cohérentes entre elles.

            Finalement, j'ai préféré présenter un extrait d'une version plutôt synthétique publiée dans le Nouvel Observateur du 1/03/2012. Elle est reprise textuellement ci-dessous.

 

"Montage et exécution de la bataille de Saadouna"

Le plateau de Saadouna se trouve dans une zone montagneuse, au pied des plus hauts sommets des monts  Dahra., Iboughmassen, près d'une épaisse forêt. C'est un endroit enclavé. La piste carrossable la plus proche s'arrête aux gorges Izérouan à environ 800 mètres d'une pente, raide, boisée, caillouteuse. Les habitants du secteur étaient rattachés à la commune mixte de Saadouna, qui était administrée par un "sous caïd", un autochtone supplétif de l'administration coloniale.

 

A la veille de l'Aïd al Kébir de 1956, au milieu de l'après midi, deux individus blessés et en détresse, l'un avait la jambe et l'autre le bras fracturés et sommairement lattés et plâtrés, s'appuyant sur leur vieux fusils de chasse en guise de béquilles, se présentent au domicile du sous caïd pour exiger de lui des aliments et des médicaments. Leur hôte leur donna à manger cependant il n'avait pas de médicaments immédiatement disponibles. Il propose à ses encombrants visiteurs de l'autoriser à se rendre à Gouraya pour s'en procurer. Ils acquiescent tout en l'avertissant "..si tu nous trahis, ta famille paiera le prix fort à ta place".

 

L'administrateur harnache son cheval, l'enfourche, fonce vers Gouraya non pas chez le pharmacien pour se procurer des médicaments mais à la caserne de la gendarmerie pour chercher des secours. Par téléphone, les gendarmes portent les faits à la connaissance de l'état major du 22ème RI basé au Bois Sacré. Ce dernier fait sonner le clairon, réquisitionne quatre véhicules militaires: un half-track, une jeep et deux GMC, embarque une section de jeunes conscrits sans expérience, fonce dans la vallée de Kellal jusqu'aux gorges d'Izérouan leur fassent barrage, débarque les jeunes troufions qui se mettent immédiatement à escalader le versant "Est" de la vallée, environ huit cents mètres de pente raide et caillouteuse. Arrivés essoufflés au plateau de Saadouna, à environ une heure avant le coucher du soleil, ils sont anéantis par des coups de fusils de chasse chargé de chevrotines. La fusillade a durée moins de 30 minutes.

 

L'état major du 22ème RI qui sans doute croyait-il que les rebelles se seraient dispersés dans la nature, doit envoyer des renforts pour ramener les soldats survivants, les blessés et les dépouilles des morts. Voici deux autres GMC transportant des tirailleurs "Sénégalais", accompagnés de deux ambulances militaires frappées de la croix rouge, remonter la vallée de Kellal jusqu'aux gorges d'Izérouan, débarquer la troupe qui escalade la même pente. Arrivée au plateau de Saadouna, les tirailleurs africains sont anéantis non plus à l'aide de fusils de chasse mais par un feu nourri d'armes de guerre automatiques et semi-automatiques.

 

 

            Avec les différents récits, nous disposons d'autres précisions.

 

            L'initiateur de cette double embuscade, le chef du commando s'appellerait Mohamed Hanoufi, de son nom de guerre, Si Abdelhag. Et le bilan des tués dans nos rangs serait compris entre 50 et 60.

 

 

ANALYSE DES DIFFERENTS ELEMENTS

 

 

LE TERRAIN

 

            J'ai utilisé un extrait de la carte d'Etat Major que j'ai reconstituée et qui a été publié sur ce blog le 28/03/2013.

 

            Sadouna y figure bien à 6km (et non 3) au sud de Gouraya, à 2 km au nord du djebel Gouraya et de Béni Ali. J'ai bien connu cette zone puisque pendant quelques mois fin 60 / début 61 ma section et moi avons cantonné à Béni Ali. Nous y avons d'ailleurs crapahuté. Bien évidemment, il n'y avait plus personne à cette époque. Les habitants avaient été regroupés peut être à Béni Ali, plus vraisemblablement à Gouraya.. Mais certainement pas à Larioudrenne proche mais pro-français.

 

En règle générale , nous brûlions les metchas abandonnées depuis longtemps mais encore en pas trop mauvais état. C'était relativement aisé car le sol était couvert de paille ayant dû à un moment être transformées en bergerie. Ainsi, elles ne pouvaient plus éventuellement servir d'abri temporaire aux fells qui passaient par là.

 

            Mais je doute fort, qu'ils aient pu les utiliser. Je me rappelle le jour où le radio est rentré dans une mechta une torche à la main. Il en est ressorti bien vite en criant et en se grattant, couvert de puces. Qui n'avaient pas dû bénéficier d'un tel repas de gala depuis bien longtemps. Mais nous en avons tiré une leçon et par la suite, avons toujours jeté nos torches à l'intérieur en nous tenant à distance.

 

            A noter également que dans la nuit du 5 au 6/03/61, nous avons tendu une embuscade qui a mal tournée pour nous, sur l'oued Mezoum, à un kilomètre au nord de Sadouna. L'emplacement est marqué sur la carte par une petite étoile noire.

 

            Tout cela pour dire que nous connaissions la zone !

 

 

LA CARTE

 

 

Carte-Sadouna-2-piece-jointe.jpeg

 

 

            Avant toute chose, il faut préciser que les cartes de l'IGN, base des cartes dites d'état major ont été établies à partir de relevés sur le terrain datant de 1888, mis à jour en 1934. Certainement suite à une demande de l'Armée, ce qui se comprend, une nouvelle mise à jour a été réalisée en 1957 mais uniquement à partir de photos aériennes (cf. article du blog du 28/03/2013).Il est vrai que, à cette époque, il n'était pas recommandé d'arpenter le pays…

 

            A l'examen de cette carte, on note tout de suite des différences et des invraisemblances avec le récit.

 

            Il n'y a pas d'oued Kellal sur cette carte. En consultant une carte récente établie à partir des photos satellites, on retrouve l'oued Kellal dont l'embouchure est située à l'ouest de Bois Sacré à la hauteur de la piste menant à Bou Zérou. Ce qui correspond à une indication du récit qui précise que pour aller de l'oued à Gouraya, il faut passer devant Bois Sacré. Sur la carte, cet oued s'appelle Iklelene. Un petit pont sur la route en franchit le lit. Je l'ai connu. Mais voilà le hic, si l'on remonte le lit de l'oued plein sud, on arrive au djebel Arbal, pas au djebel Gouraya. Sadouna est à 4 km à vol d'oiseau.

 

            A noter en passant que sur les cartes utilisées par l'armée avant 1957 (publiées le 8/11/2011 sur ce blog), l'oued n'est pas non plus dénommé Kellal mais Ikelalel.

 

            La situation de Sadouna est correctement décrite. Le douar est situé sur un point haut plutôt plat et entouré de pentes relativement raides. Mais l'oued qui passe au pied, à l'est, à moins d'un kilomètre du sommet, est l'oued Mazoum dont il a déjà été question. Ce cours d'eau descend plein nord et se jette dans la mer entre Gouraya et Bois Sacré.

 

            Mais, où les choses se compliquent, c'est qu'il n'y a pas de gorges dans le secteur. Seulement un rétrécissement du thalweg entre Béni Nador et Larioudrenne avec des pentes raides, je les connais, je les aie empruntées. Or une gorge est une vallée étroite et profonde avec des pentes abruptes et rocheuses sinon elles glisseraient. On est donc loin du compte.

 

            En outre, je n'ai jamais vu de piste carrossable dans ce coin. Et jamais entendu parler non plus. Les seules pistes sont les deux qui partent de Gouraya en direction de Bou Zérou. Une par Loudalouze, l'autre par Tighret.

 

            Une preuve ? Larioudrenne pour se désenclaver a été autorisé à ouvrir une piste carrossable, avec la bénédiction et … le financement du bataillon. A environ 5 km de la route nationale Gouraya Ténès et avec une piste carrossable dans l'oued à quelques encablures du village, pourquoi se serait-il lancé dans des travaux sur 5 ou 6 km avec franchissement d'une partie rocheuse pour atteindre seulement le COL de la piste très dangereuse qui mène de Bou Zérou à Gouraya par Tighret ? Et le COL est à environ 12 km de la route en bord de mer auxquels il faut en rajouter 3 pour Gouraya (voir carte). Ce serait un non sens !

 

            Bien évidemment, il n'existait aucune piste carrossable ni de gorges pour l'oued Mezoum.

 

 

            LE 22ème RI

 

            L'historique du 22ème RI a été publié sur ce blog le 1/12/2008 et une histoire du 1/22 spécifiquement, le 9/10/2013. On possède donc les dates des mouvements de troupes pour 1956.

 

            Par ailleurs, le récit situe la double embuscade en juin 1956 avec une précision, la veille de l'Aïd al Kabïr (différentes orthographes). Cette fête musulmane est fluctuante dans notre calendrier. Mais elle est précise dans les faits et confirmée par la Cour Suprême de l'Arabie Saoudite. Or, j'ai découvert sur le Net que les tirailleurs marocains en garnison à Angoulême avaient célébré cette fête en 1956, le 19 juillet. On peut donc retenir cette date. La prétendue double embuscade aurait donc eu lieu le 18/07/1956.

 

            Ce que l'on sait avec certitude, c'est que le 11/07/1956, la 6ème compagnie du 2ème bataillon du 22ème RI est arrivée en renfort du 3ème bataillon cantonné autour de Marceau et s'est installée à Bois Sacré et à Loudalouze. Elle a été relevée le 31/07 par la 4ème Compagnie du 1er bataillon. Ce serait donc une section  de la 6ème Compagnie qui serait tombée dans cette embuscade. Je n'ai pas pu vérifier ce point dans le JMO du 2ème bataillon puisque je n'ai pas demandé l'autorisation ministérielle indispensable, m'étant limité à Vincennes dans mes recherches au 1er bataillon dans lequel j'ai été affecté.

 

            Néanmoins, le site "Ténes-info" publiant les articles du Dahra, journal de liaison du 22ème RI, précise pour le 2/22 RI que la 6ème compagnie a été la première à "accrocher" des rebelles lors d'une opération qui s'est déroulée le 18/07/1956 au djebel Gouraya. Il y a donc concordance.

 

            Quant à l'intervention d'une section de "Sénégalais", c'est plausible. On les retrouve dans certains récits. Certainement une unité rapatriée d'Indochine et installée à Novi. Bien évidemment, il n'en est pas question dans ce JMO puisqu'ils font partie d'une autre unité.

 

 

            LE BILAN

 

            Le bilan de la double embuscade serait très lourd. Selon les récits entre 50 et 60 tués; Ce qui pourrait être logique s'il y a eu extermination effective de 2 sections. Mais nous savons que très souvent nos adversaires ont une propension certaine à exagérer considérablement leurs bilans.

 

            Dans le cas présent, le Dahra, sans aucun doute reflet du JMO, indique le pertes et nominativement, à savoir : 1 tué (le soldat René C.) et 3 blessés graves (le sergent chef Yves M. et les soldats Marcel A. et Emile A.). Nous apprenons aussi que le capitaine M. a été "touché", certainement légèrement puisqu'il ne figure pas parmi les blessés. Mais cela indique que c'était la compagnie, et non une section qui était sur le terrain.

 

            Ce qui est confirmé par les "anciens"  qui ont consacré leurs recherches à dresser la liste des "Morts pour la France" du 22ème RI, liste que nous détenons notamment pour l'année 1956. Il ne peut donc y avoir aucun doute.

 

            Soit dit en passant, la tactique qui aurait été utilisée par le chef rebelle nous laisse perplexe.

 

            Voilà un "petit génie" qui conçoit et applique une admirable opération militaire. Avec une équipe de "bras cassés" armés de bric et de broc (c'est l'auteur qui l'écrit), il liquide une section et récupère toutes les armes, les munitions et le matériel. Donc un score superbe pour lui. Et qui attend tranquillement qu'une deuxième section se présente et passe à la casserole. Il faut une sacrée dose d'inconscience, voire de débilité mentale, pour espérer une telle hypothèse. C'est tout simplement inimaginable. Surtout quand on sait, et les exemples abondent, que si une section est durement touchée, une riposte d'envergure est aussitôt engagée.

 

            CONCLUSION

 

            Compte tenu de tout ce qui précède, il ne fait maintenant aucun doute que cette double embuscade n'a pas été tendue telle qu'elle fut décrite par l'auteur des articles et avec un tel bilan. Sauf nouvelle preuve ou témoignage irrécusable du contraire.

 

 

                                             Jean Claude PICOLET

 

 

http://face-a-face.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/02/17/guerre-d-algerie-gloire-et-decadence-des-maquis-operation-sa.html

http://face-a-face.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/02/22/guerre-d-algerie-operation-saadouna-2eme-partie.html

http://face-a-face.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/02/27/guerre-d-algerie-operation-saadouna-3eme-partie.html

http://face-a-face.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/11/29/algerie-bataille-de-saadouna-comment-effacer-ds-heros-pour-1.html

 

http://www.tenes.info/galerie/JOURNALDEMARCHE/J3

http://www.tenes.info/galerie/JOURNALDEMARCHE/J4

 

 

NOTE DU BLOGUEUR

 

Dans ce blog consacré au 22ème RI, par respect pour nos amis morts lors des évènements d'Algérie, nous avons rendu compte d'un grand nombre d'embuscades, en y précisant très exactement les pertes que nous avions subies, sans en dissimuler l'importance.

Par contre nous n'acceptons pas les fanfaronnades gratuites.

 

                                          Michel.                                                                              

 

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7 septembre 2013 6 07 /09 /septembre /2013 10:50

 

 

 

 

 
 

 

 

 

 

UN CIVIL - EL BOULHAYA - A BOU ZÉROU

 

 

 

En août, Jacques DUCHADEAU et moi-même avons fait connaissance par mail suite à un commentaire qu’il a posté sur ce blog en juillet dernier et la transmission d’une vingtaine de photos de Bou Zérou et de Tighret (sous-quartier de la 1ère compagnie du 1/22e RI) qui ont été publiées. Ce contact a été possible grâce à l’intervention de Michel.

 

Nos entretiens épistolaires ont donné lieu à plusieurs mails de questions auxquelles Jacques a répondu bien volontiers tout en signalant les limites de sa mémoire pour cette période.

 

 

               Si Jacques DUCHARDEAU a connu Bou Zérou, ce n’est pas en tant que militaire mais comme civil, au titre de la Coopération, en simple enseignant. Il a débarqué en Algérie en janvier 59 et a été affecté dans l’Académie d’Orléansville. Il a rejoint Bou Zérou  pour la rentrée scolaire de septembre 1961. Ce qui explique que je ne l’ai pas connu sur place puisque j’ai quitté la compagnie à la mi-août 61.

image-1.jpg

 

 Il a été chargé d’une classe double de 52 élèves du douar (26 pour le CE1 + 26 pour le CE2), grosso modo moitié filles / moitié garçons. Il sera épaulé par la suite par un moniteur éducateur algérien qui sera chargé d’une classe préparatoire. C’était un militaire dépendant vraisemblablement de la SAS de Loudalouze. Il désertera d’ailleurs avec arme et bagages avant le départ de la compagnie. A noter que pour l’année scolaire 60/61, il n’y avait qu’un seul enseignant à Bou Zérou. Mais nous ignorons les raisons de cette extension.  Son prédécesseur, dont nous avons oublié le nom avait été affecté à Gouraya. Jacques a eu l’occasion de le rencontrer.

 

Il logeait dans l’école de Bou Zérou. Un bâtiment composé d’éléments métalliques qui s’encastraient les uns dans les autres et lui donnaient presque la forme d’un demi cylindre posé en long sur le sol. Il était situé près de la piste principale, hors du camp, à une centaine de mètres, au pied de la pente qui y montait. Le regroupement était situé de l’autre côté. Selon Jacques ce bâtiment avait été bien conçu car avec sa double paroi et son aération, la chaleur était supportable. Ayant visité cette école à la fin de mon séjour, ce n’est pas l’appréciation que j’avais conservée. Mais il est vrai que c’était en plein milieu de l’après-midi.

 

 

Son emplacement m’avait toujours inquiété. Bien sûr, c’est le GAD du douar qui devait assurer sa sécurité. Il était aussi à vue de la sentinelle qui montait la garde à l’entrée du camp. Mais…  Est-ce pour des questions de sécurité que le lieutenant Pasquier qui commandait la compagnie l’avait doté d’un fusil Mauser qui manifestement ne faisait pas partie des armes « officielles » ? Il avait aussi installé l’infirmerie du camp dans l’école ce qui bien entendu la rapprochait de la population et évitait à celle-ci les allées et venues dans le camp. Mais comme l’infirmier couchait sur place, avec le moniteur, cela faisait 3 fusils ! Alors…

 

Comme c’était la coutume, et pas seulement à Bou Zérou, Jacques était autorisé, contre paiement, à prendre ses repas au mess des sous-officiers. Comme par la suite le moniteur qui l’a rejoint. Ils avaient également accès au foyer, seul endroit de distraction dans ce djebel.

 

Jacques a été très bien accepté pendant son séjour. Il a même pu accompagner le lieutenant lors de déplacements. Ainsi, il s’est rendu 2 fois à Tighret et 2 fois à Tazzerout.

 

En fouillant dans ses archives, Jacques a retrouvé le faire-part du « décès du Père Cent » du contingent 59-2 B. Bien évidemment il n’était pas concerné mais c’était le numéro de sa classe. Il avait donc était invité par les Appelés.

 

Ce document n’a rien de bien remarquable. Nombreuses sont les unités qui ont organisé une telle fête. Et je suis persuadé que les modèles ne devaient pas être nombreux. En outre, l’humour ne volait pas haut car étant imprégné de l’esprit bidasse. Mais, en l’occurrence, il représente une tranche de vie d’un certain nombre d’Appelés heureux de voir enfin le terme de leur service et donc le retour dans leur foyer. Et comme ces documents n’ont pas dû être conservé en grand nombre, Jacques et moi, pensons qu’il peut faire l’objet d’un article pour rappeler un fait que certains ont peut-être oublié.

 

 Voici ces documents tels qu’il les a reçus.

 

image 2

 

 

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Jacques a apporté quelques précisions à cette liste quant aux fonctions que certains occupaient :

 

                                        - Jean BATTON, Caporal Chef, infirmier

                                        - Mario MANCUSO, 1° classe,  radio, un pied noir

                                        - Bernard POIRREZ, Sergent, intendant/comptable,                                               un vosgien

                                        - Paul POGGI, Sergent, responsable de la tour radio, 

                                          un corse

                                        - Charles REJAULT, chef de poste à Tazzerout

                                        - André ROUAS, cuistot/charcutier

                     - Claude ROZE, chauffeur

 

J’ajouterai personnellement Jean-Claude Lobit, caporal-chef qui était avec moi à Tighret. Affecté à la 1ère section avant le regroupement, il a toujours été sur place. Il figure d’ailleurs sur des photos dont celles prises durant le putsch lorsque nous jouions interminablement au tarottoutes les nuits pour rester sur nos gardes.

 

Par contre ne figure pas dans cette liste, Bernard Milleret, radio, tué le 24/10/61dans une embuscade sur la piste de 844 lors des servitudes habituelles de ravitaillement pour la tour. Vraisemblablement parce que la harka n’était plus crainte. Sinon les fells n’auraient pas pris autant de risques pour récupérer un seul garant.

 

 

 J’ai dû forcément connaître ces Appelés pour les avoir côtoyés notamment pendant la fin de mon séjour. Mais comme pour Jacques je ne m’en souviens plus. Et pas plus que lui, je ne peux mettre un nom sur les hommes figurant sur la photo ci-dessous.

 

Ce que je peux dire c’est que cette petite fête s’est tenue le 12/11/61 dans la salle du foyer de Bou Zérou puisque, comme on peut le remarquer, la table a été dressée sur la table de ping-pong.

 

image-6-copie-1.jpeg 

 

Le 31/10/61, le 1/22e RI a été dissous. Devenu le Regroupement de Compagnies n° 1, le 1/11/61, il a fusionné avec le 146e Bataillon d’Infanterie et le 2/2e RI pour donner naissance au 146e RI. Mais pour le 1/22, c’était avant tout une mesure administrative car sur le terrain, cela ne changeait strictement rien. On retrouvait les mêmes hommes, aux mêmes endroits, pour les mêmes missions.

 

Mais c’était prémonitoire. C’était le commencement de la fin sans que personne ne s’en doute encore.

 

Après les prétendus accord d’Evian, en avril 62, à une date dont il ne se souvient plus exactement, Jacques a assisté au départ de la 1ère compagnie de Bou Zérou et des postes de Tighret et Tazzerout.. Et bien entendu, il a suivi le mouvement. Il n’a pas souvenance que les harkis aient été désarmés mais il se rappelle que le GAD de Larioudrenne a été déplacé et son armement particulièrement renforcé : fusils, munitions, grenades dont on ignore la provenance… C’était il est vrai un allié sûr qui devait figurer en tête sur la « liste noire » du FLN.

 

La 1ère compagnie a pris ses quartiers à Bois Sacré. Jacques est resté comme invité pendant les vacances de Pâques (11/04-27/04). Puis avec Hubert Seban, son collègue de Loudalouze, ils ont été mutés à Téniet-el-Haad vers l’Ouarsenis pour terminer l’année scolaire en cours. Il a ensuite été nommé a Affreville avec un retour en France en 1963… pour effectuer son service militaire dans un régiment… de Tirailleurs Algériens. Où il a retrouvé des harkis qu’il avait connus en Algérie. Mais pas au 1/22. Dommage !

 

 

 

 

 

 

 

Il me reste à remercier chaleureusement Jacques Duchadeau d’avoir bien voulu nous livrer ses souvenirs et des documents concernant notamment le 1/22 dont il peut maintenant faire partie comme Membre d’Honneur.

 

J’en profite pour lancer « un appel au peuple ». Que tous ceux qui sont cités dans cet article, que ceux qui les ont connus ou ont vécu ces événements, se manifestent en prenant contact avec Michel Fétiveau créateur inspiré et brillant animateur de ce site qui nous permet de nous retrouver. Je vous en remercie à l’avance.

 

 

 

Propos recueillis et mis en forme par Jean-Claude Picolet

 

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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 13:33

LES PORTES DE LA VILLE DE TENES

 

Plan deTENES p 600p colorié

 

 La ville de TENES était protégée par des murs  fortifiés dans lesquels avaient été aménagé 5 portes qui permettaient l'accès à la ville.

 

 

LA PORTE D'ORLEANSVILLE

 

porte-d-orleansville-colorisee.jpg

 

 

C'était manifestement la plus jolie, et la mieux conservée, située dans le mur sud de la ville, elle ouvrait sur la route d'ORLEANSVILLE qui desservait au passage le VIEUX TENES.

 

 

LA PORTE DE MOSTAGANEM

 

Porte-de-MOSTAGANEM.jpg

 

Comme son nom l'indique, elle desservait la route de MOSTAGANEM et d'ORAN sur la façade ouest de la ville.

 

 

LA PORTE DE FRANCE

 

Porte-de-France-TENES.jpg

 

Percée dans le mur nord de la ville, dans son angle nord ouest, elle desservait l'abattoir et la Méditerranée et au delà la FRANCE, d'où vraisemblablement son nom.

 

 

LA PORTE DE LA GRIMPETTE

 

La-Porte-de-la-Grimpette.jpg

 C'était la plus petite porte, située presque au centre du mur nord de la ville, elle desservait le chemin du même nom qui descendait à la Marine et à la Douane.

 

LA PORTE DE CHERCHELL

 

La-porte-de-Cherchell.jpg

 

C'était la moins bien conservée, et naturellement je n'en ai retrouvé aucune photo, à l'exception de celle que j'avais prise du haut des remparts en 1957, et qui malheureusement n'en montre qu'un seul pilier, qui à l'époque avait partiellement été peint en blanc, ce qui n'était pas du meilleur effet.

 

Toutes ces fortifications sont aujourd'hui détruites et c'est dommage pour la commune, qui outre sa situation de station balnéaire, aurait pu profiter de ces vestiges du passé pour attirer les touristes.

 

Les Photos des portes de France et de la grimpette proviennent du site: http://www.tenes.info/galerie/22RI

 

Michel FETIVEAU. 

 

 

 

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14 juin 2011 2 14 /06 /juin /2011 17:42

HOMMAGE AU LIEUTENANT COLONEL GELLE Emilien

 

f col gelle

  cliquez sur le texte pour le lire 

 

    

Guerre d'Algérie - Soldat Mort au champ d'Honneur
Le Livre d'Or de l'Ecole Spéciale Militaire du Prytanée

 

GELLE Emilien Louis Charles

 

 

né le 1/01/1905 à Le Ronsoy (80)
Elève des Ecoles Militaires des Andelys, Montreuil S/Mer et Autun du 1/10/1918 au 4/01/1923
E.V 5ans - 150éme R.I - 2éme Classe le 4/01/1923
Maintenu à l'Ecole d' Autun pour continuer ses études

Baccalauréat Mathématiques 1ére et 2éme partie le 18/07/1924
Admis 155éme sur 324éme à l'Ecole Spéciale Militaire du Prytanée - 2éme Classe le 1/10/1925
sortie 74éme sur 315
51éme R.I - S/Lieutenant T.D le 1/01/1927
51éme R.I - Lieutenant T.D le 1/01/1929
51éme R.I - 10éme Cie - Lieutenant T.D le 28/10/1931
51éme R.I - Capitaine le 25/09/1936
Professeur instructeur au cours de préparation aux Ecoles Militaires d'Elèves officiers de 1934 à 1936

166éme R.I - 1ére Cie -  le 2/09/1939
Nommé Chef Etat Major de l'Infanterie du S.F.R le 1/05/1940

Détaché à Etat Major du Général Cdt les F.T du Secteur Fortifié de Rohrbache - Capitaine le 19/10/1939
43éme C.A.F - Capitaine

Fait Prisonnier au Col de la Cranail le 26/06/1940
Interné Oflag VI.D
Chef de Bataillon T.C le 25/06/1943

Promotion à T.C transformé en T.D arrêté du 9/08/1940
Chef de Bataillon T.D le 25/06/1943
Libéré du Camp de Soest (Wesphalie) par les Américains le 6/04/1945

Affecté à la D.R.P.G Paris - Chef de Bataillon le 28/05/1945
26éme R.I - Lieutenant Colonel le 1/10/1950
Affecté à l'Etat Major de la 2éme D.I - Lieutenant Colonel le 15/06/1951
Cours de Colonel en 1951
26éme R.I - Lieutenant Colonel le 2/11/1954

Affecté au centre d'Instruction Régional N°2 à Sarrebourg le 1/10/1956
22éme R.I - Lieutenant Colonel commandant en second le 2/11/1956
Embarque le 3/11/1956 à Marseille Débarque le 4/11/1956 à Alger
Adjoint opérationnel du Colonel commandant le secteur de Ténès

Inscrit au tableau exceptionnel pour le grade de Colonel pour décision le 30/06/1958
A la tête d'un convoi opérationnel Blessé Mortellement par l'explosion d'un engin piégé le 26/07/1958 sur la route de Ténès à Pointe Rouge (Algérie)
Promu au grade de Colonel par décret du 25/07/1958 J.O R.F N°183 du 6/08/1952. Pour prendre rang le 20/07/1958

inhumé a Nancy (54)
Croix de Guerre 39/45 Etoile d'Argent du 2/06/1946
Médaille Commémorative 39/45 avec Agrafe "France"
Chevalier Légion d'Honneur décret du 14/08/1944

Croix des Services Militaires Volontaires de 3éme Classe le 8/08/1951
Officier Légion d'Honneur décret du 15/12/1953
Citation O.D.I N°463 du 13/07/1957
Citation O.C.A N°113 du 22/03/1958
Commandeur Légion d'Honneur décret du 1/10/1958 à titre Posthume
Croix de la Valeur Militaire Etoile d'Argent, de Vermeil avec Palme

Médaille Commémorative Maintien de l'Ordre en A.F.N
sur les Monuments aux Morts du Ronsoy (80) du Touquet Paris Plage (62) et du Mémorial A.F.N 1952-1962 à Nancy Thermal (54)
inscrit sur le Livre d'Or des Enfants de Troupe "Afrique du Nord"
cité dans le Livre "Défense d'Oublier sept 80 de la FNACA
Vincennes S.H.D 8.Ye.124 413

 

Ces documents m'ont été communiqués par A. ROUSSEL

 

 

 

TEMOIGNAGE de Jean RIEU

Chauffeur du Colonel

 

Du mois de septembre 1956 à fin 1958, je fus affecté au poste de chauffeur du Colonel du 22ème R.I. à TENES. A ce titre j'ai accompagné dans tout le secteur tenu par le 22ème Régiment d'Infanterie, le Colonel RIEUTORD, puis le Colonel LALLEMAND, ainsi que leur adjoint le Lieutenant Colonel GELLE.

Nous circulions dans des convois fortement armés, et de plus sur notre parcours des unités du régiment assuraient notre protection.

Ce jour du 26 juillet 1958, je conduisais la jeep du Lieutenant Colonel GELLE. Arrivé à proximité de POINTE ROUGE, le convoi fut arrêté par un groupe de démineurs qui assuraient l'ouverture d'une portion de route détériorée durant la nuit par les fellaghas. Il s'agissait de jeunes recrues juste formées à cette discipline et qui intervenaient pour la première fois en situation réelle. Bien évidemment ils travaillaient lentement la peur au ventre. Le Colonel les invita fermement à accélérer leur travail, et perdant patience, il quitta le véhicule et s'engagea sur le chemin en débordant les démineurs. C'est alors que par malchance il déclancha l'explosion d'un engin de très forte puissance. Il fut la seule victime, et fut tué sur le coup. Son corps fut rapatrié sur TENES, et personnellement, je récupérais son stick dont il ne se séparait jamais.

 

 

                            Jean RIEU.

 

 

 

 

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4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 21:35

 

HOMMAGE AU CAPITAINE LOUIS BOYER

 

Le 28 février 1957 un convoi de ravitaillement est accroché par une très importante bande rebelle vers 13 h40 sur la piste qui dessert le poste de BOUYAMENE.

Le convoi est fort de d'une quinzaine de véhicules dont deux blindés, il bénéficie de l'appui d'observation d'un "MORANE 500"

photo-capitaine-boyer-louis.jpgLe Capitaine BOYER commandant la C.C.A.S. du 1er Bataillon du 22ème R.I. est chef de convoi. Il a pris place dans la jeep de tête.

A mi chemin, un feu nourri d'armes automatiques se déclenche sur les véhicules de tête, puis sur l'ensemble du convoi. Presque immédiatement le Capitaine BOYER est tué, et l'avion d'observation abattu. L'arrière du convoi résiste jusqu'à l'arrivée des secours. Nos pertes dans cette embuscade sont de 30 morts.

 


 

Le Chef de Bataillon CAILHOL rappelle ci-après la carrière du Capitaine Louis BOYER.


 

Activités Militaires du Capitaine Louis BOYER

 

Né le 27 décembre 1920 à ALGER le capitaine BOYER, ancien des chantiers de jeunesse, se fait très rapidement remarquer de ses chefs grâce à ses brillantes qualités, affecté en 1943 à l'école des cadres de THEIX comme instructeur, il participe activement en 1944 à la résistance dans la Loire, il se distingue en INDOCHINE 1949 – 1952 ou son courage et ses qualités d'entraîneur d'hommes lui valent 4 citations, rapatrié, sa foi, son dynamisme trouvent encore à s'employer au détachement du S.E.P.R. de CHATEAUROUX.

 

En Août 1956, désigné pour partir en ALGERIE avec le 22ème R.I. il commandait au moment de sa mort la C.C.A.S. du 1/22ème R.I.

 

Excellent camarade, respecté et aimé de ses hommes, toujours plein d'allant et très estimé de ses chefs, sa disparition a été cruellement ressentie par tous et plus particulièrement par ceux qui, comme le Commandant CAILHOL son chef de Bataillon, ont vécu à ses côtés.

 

Tous les Officiers, sous Officiers et Hommes de Troupe du 22ème R.I. s'inclinent avec émotion devant l'immense douleur de sa veuve et de ses 4 enfants.

 

Ce texte est extrait du journal interne du 22ème R.I. le DAHRA.

 

MEMORIAL A.F.N.  : La liste se complète.

                     20/09/2010  05:32


Photo-Memorial-AFN.jpg

De nombreux Poitevins se sont associés samedi au devoir de mémoire en participant à la cérémonie du souvenir  Photo NR.

 

Une cérémonie du souvenir s'est déroulée samedi au mémorial A.F.N. dans le parc de la Roseraie de Poitiers, à l'initiative de l'Union Départementale des associations d'anciens combattants et des victimes de guerre (Udac). Autour du monument à la mémoire des enfants de la Vienne tombés en Afrique du Nord où sont portés les noms de 152 disparus, avaient pris place une trentaine de porte-drapeaux du monde combattant et de nombreuses personnalités, le député-maire Alain Cleeys, la députée Catherine Coutelle, Stéphanie Savarit directrice de l'office départemental des anciens combattants, Jacqueline Désert, maire de Liglet.

Deux nouveaux noms viennent d'être gravés sur la stèle, en présence de leurs familles : celui de Louis BOYER, originaire d'Alger mais inhumé à Civray, et Bernard Martin, originaire de Liglet et reposant au Blanc. Comme l'a rappelé le président de l'Udac, Jean Marie Montoux, lors de l'inauguration du mémorial en juin 2007, le comité de coordination n'avait pas connaissance de ces camarades décédés pendant la guerre d'Algérie.

D'autres noms pourraient être inscrits sur cette stèle et trois colonnes de pierre volontairement inachevées symbolisant la vie brisée des appelés du contingent tombés en grande majorité lors des combats pendant la guerre d'Algérie.

Des travaux de recherche sont toujours en courspour retrouver les noms, avec l'appui des associations d'anciens combattants, des communes, et l'autorisation du procureur de la République, comme l'a souligné l'un de ces enquêteurs de terrain, Ramon Labordas.

 

Cet article est extrait du journal la Nouvelle République du 20/09/2010.

 

Ces deux documents m'ont été communiqués par Albert ROUSSEL.

 

NDLR. Deux articles du blog traitent de l'embuscade du 28 février 1957 où fut tué le Capitaine Louis BOYER :

- L'embuscade du 28 févriert 1957 près de Dupleix.

- Témoignage de Marc DUBOS sur l'embuscade du 28 février 1957.


 


 

 

 

 

 

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7 août 2010 6 07 /08 /août /2010 15:43

 CHEF DE SAS A HANOTEAU

Du 17/09/1957 au 24/08/1958

 

Extrait des souvenirs d'Algérie par le Commandant

Edouard de MONTALEMBERT

 

Commandant Edouard de MONTALEMBERTSaint-cyriende la Promo 39/40, officier des troupes de Marine, le Commandant de MONTALEMBERT a d'abord "supervisé" les S.A.S de la commune Mixte d'Aumale, puis commandé les S.A.S de Francis Garnier et d'Hanoteau dans le secteur d'Orléansville et de Ténès.

 

 

  CHEF DE SAS A HANOTEAU.

 

C'est la dernière étape de mon séjour en Algérie, la plus longue mais la plus intéressante et attachante et j'en garde un souvenir inoubliable, avec cependant une pointe de déception, car ce travail admirable de nous tous, Armée et S.A.S. semble n'avoir servi à rien !..

HANNOTEAU--1-.jpgHanoteauest un petit centre de colons agricoles européens avec son église, sa mairie, son café, quelques notables et commerçants arabes et tout autour sur les collines les gourbis des populations arabes ou plutôt berbères, diraient les ethnologues. Au centre, un grand terrain vague, c'est le marché du mardi ; toute la population d'alentour s'y rend pour acheter, écouterles nouvelles, régler les problèmes familiaux ; c'est le baromètre pour nous de la situation politique du moment.

 

Pour l'instant il est au plus bas ; un mois auparavant un incident fâcheux avait compromis le marché : l'assassinat d'un partisan suivi d'une action militaire un peu brutale ; les mardis suivants le marché avait alors été déserté, puis il avait repris très lentement ; il a fait un bond ce mardi 24 septembre : six cents personnes présentes, c'est le résultat d'une action de persuasion que la SAS a entreprise.

 

Je n'ai pas chômé à distribuer les cartes d'identité, recevoir les notables, discourir au micro sur notre action : j'ai ainsi affirmé : "du côté fellagha, c'est la famine et la mort, nous c'est la vérité et la vie", l'atmosphère était assez détendue et les visages souriants ; les vieux m'ont chaleureusement remercié en me serrant la main avec émotion. La partie était presque gagnée malgré la pression rebelle sur les douars environnants, mais c'est très subtil comme jeu car il faut noyauter les organisations rebelles tout en les détruisant en même temps ; c'est bien la guerre révolutionnaire en plein, et une guerre des nerfs. Les colons souffrent assez de cette situation, il n'y a pas une ferme qui n'ait été saccagée, pas une ligne téléphonique qui ait résistée ; les vignes sont à moitié détruites et les meules de paille sont incendiées.

 

24 septembre 1957. J'ai à faire à un jeune Sous Lieutenant fort sympathique du nom de Pêne, fils d'un officier de Marine ; je l'ai déjà vu aux mines de Breira où son action a été très efficace ; ici c'est la même chose et nous nous entendons à merveille ; il m'a appris que sa sœur est fiancée avec le frère de B. de R.

 

26 septembre 1957. J'ai reçu ce matin un notable important qui sort de l'hôpital, blessé par une patrouille de l'Armée, il m'a promis le ralliement de toute une fraction ; cet après midi, trois autres notables sont spécialement venus pour me connaître, le contact marche très bien.

 

29 Septembre 1957. J'ai acheté deux magnifiques bureaux en fer  et je me pavane sur une chaise molletonnée. Je photographie mes administrés et leur délivre des papiers en masse, et je leur parle en arabe : je suis noyé dans les papiers administratifs et dans ce langage aussi incompréhensible que le chinois, témoin cette phrase : "en foi de quoi nous délivrons ce présent certificat pour valoir ce que de droit".

 

1er Octobre 1957. Convocation de toute une fraction : c'est-à-dire deux cents habitants en gros : il n'en est venu que cent avec l'aide d'une patrouille militaire ; recensement des habitants pour savoir les noms dans toutes les familles.

 

3 Octobre 1957. Je ne sais pas où j'en suis à Hanoteau au point de vue local, tout le monde veut sortir de la forêt et revenir et aux yeux de cette population, je suis l'homme qui composera, qui sortira les gens de prison et qui pardonnera ; l'engrenage est dangereux ; tout le monde veut me voir et je ne sais pas où donner de la tête ? Demain je serai à Alger dans les bureaux du Gouvernement Général pour batailler et obtenir des crédits de construction.

 

4 Octobre 1957. Alger, j'ai vu mon ancien patron au SLNA, un peu dans l'ombre maintenant, mais il est admirable d'ascétisme et de spiritualité. J'ai vu aussi le nouveau patron des SAS : Colonel de Vul-pillière ; il est sympathique, il a été Colonel d'Aviation de Aimery ; dans six mois il veut me voir "dans mon bordj construit et bien installé avec tout le pays pacifié autour de moi" m'a-t-il dit.

 

19 Octobre 1957. Tout à l'heure je vais dîner chez mon goumier dans son gourbi avec sa famille ; je serai aussi bien qu'à la maison ! En ce moment le pays se transforme à vue d'œil ; ce n'est pas une fraction qui s'est ralliée mais quatre ! C'est-à-dire tout le douar ; il reste encore le plus gros morceau, le "Sinfita" où se trouve ce massif du Bissa forestier et montagneux et l'on y arrivera qu'en partie ; tout cela grâce à l'action du Lieutenant Pêne, de la SAS et de tous nos subordonnés qui en mettent un coup ; cela va quand on n'est pas gêné par des ordres supérieurs ; l'autre jour, Pêne, déguisé en fellagha avec une djellaba, a passé la nuit avec son escorte auprès d'une médina  ; comme il tambourinait à la porte pour se faire ouvrir et qu'un partisan simulait qu'il était un moudjahidine (FLN), une femme de l'intérieur à répondu : "Si vous défoncez la porte je vous dénoncerai au Capitaine de la SAS !". Voilà donc le revirement des esprits maintenant contre les fellaghas.

 

HANNOTEAU--2-.jpg8 Décembre 1957. Retour à Hanoteau après une permission d'un mois ; je suis à nouveau dans le bain et en pleine opération militaire depuis trois jours et dont l'aboutissement se trouve justement ici ; il s'agit de rassembler toute la population après leur poursuite dans les djebels; je dois alors haranguer cette foule debout sur une jeep, puis c'est au tour du Capitaine Pigeaud, le nouveau Commandant de Compagnie du 22èmeR.I. à Hanoteau : le thème de ce discours psychologique est toujours le même : la France c'est la liberté, les fellaghas l'esclavage ; la France parle à votre cœur, à votre tête comme à des hommes ; les fellaghas vous traitent comme le bétail et vous égorgent ; la France c'est vous, c'est nous tous qui voulons le bien ! Puis la foule est divisée par lot : les jeunes, les Anciens Combattants, les notables, les femmes (4ème lot) ; maintenant ces catégories doivent extérioriser leurs sentiments et parler ; il faut dire que ce travail psychologique a été préparé après deux jours où ce L-action-psychologique.jpgmonde a été parqué, nourri, logé sans qu'un mot ait été prononcé. Ce sont des méthodes nouvelles, mais dira le Colonel Rieutord, commandant le 22èmeR.I. c'est la réponse de l'Occident à la soviétisation du monde ! Le résultat des opérations est assez bon ; plusieurs chefs politiques et militaires saisis, beaucoup de documents, une quarantaine d'armes, une trentaine de fellaghas au tapis. La nuit dernière, trois fellaghas, réfugiés dans une grotte ont résisté deux jours ; ils ont été dénichés par les chiens de l'armée spécialement dressés pour ce combat.

 

9 Décembre 1957. Après ce raz de marée de l'Armée, tout est redevenu calme comme avant, mais cette épuration a fait beaucoup de bien au pays : j'ai eu pour la première fois des renseignements qui sont venus tout seuls : je me suis aperçu que tous ces gens qui venaient me voir si aimablement au bureau étaient du camp rebelle et jouaient double jeu avec beaucoup de dextérité ; mais tout ceci est un peu dépassé par la nouvelle politique qui est d'engager la population de notre côté et de lui faire prendre connaissance de ses responsabilités.

Au marché nous voyons arriver le petit Frère Louis du BISSA ; il nous dit entre autres, que les officiers sont très corrects ; cela nous réjouit, mais il a tort d'ajouter qu'il parle des officiers fellagha, cela jette un froid.

 

11 Décembre 1957. Voici la composition de mon bureau SAS : le secrétaire s'appelle David, il est le fils d'un colon, son adjointe Melle Pierre, fille du Maire d'Hanoteau, un commis, Mekaouche, une dame Mme Harrault, femme de mon excellent adjoint de SAS, l'Adjudant Harrault.

 

14 Décembre 1957. La situation politique est la suivante : au nord le fameux Bissa où les routes auto sont coupées ; on y va bien sûr mais on y voit rien les fellaghas sont dans les grottes avec la population du douar Sinfita dont je suis théoriquement le maire ! Au sud le Béni Derdjine avec une population que l'on voit, qui vient tout le temps au bureau, qui semble très malheureuse mais qui ne s'engage pas pour nous et joue le double jeu. L'Armée a fait des ratissages souvent fructueux ; la dernière opération a révélée toute l'infrastructure rebelle du coin.

 

16 Décembre 1957. Mon conseil municipal devient très actif ; c'est demain la 2èmeséance, on va parler travaux, chômage, impôts. Aujourd'hui j'étais à Oued Hamelil, à 8 km à l'ouest d'Hanoteau. Il pleut à verse et la montagne risque de glisser. Le Capitaine Pigeaud doit ramener à Hanoteau quelques femmes de  Sinfita montrerque la vie est meilleure ici et elles retourneront ensuite pour dire à leurs maris de quitter la montagne des fellaghas (action psychologique).

 

1er Janvier 1958. J'ai offert un vin d'honneur à la population européenne et musulmane réunie très cordialement ; je leur ai montré leur dignité d'hommes que les fellaghas suppriment comme les communistes, le temps des épreuves est révolu, les deux communautés doivent s'unir plus étroitement.

Ils m'écoutaient avec attention, c'était très bien réussi. Hier, jour de marché, mon conseil municipal s'est réuni au grand complet malgré l'enlèvement d'un membre quelques jours plus tôt ; j'admire ce courage héroïque car ces pauvres gens sont tous visés. Il est arrivé un incident à la fin du marché : l'ancien maire européen, un vieillard de 76 ans qui se promenant par habitude et assez imprudemment à cinq cents mètres du lieu du marché, a reçu un coup de pistolet dans le dos heureusement sans gravité : c'est un gamin de dix sept ans qui aurait fait le coup : c'est ignoble !

 

9 Janvier1958. Les gens se pressent à mon bureau pour payer l'impôt ; c'est un signe heureux ; je l'ai déjà vu à Bir Rabalou autrefois.

 

10 janvier 1958. L'impôt rentre toujours : 120.000 francs en trois jours mais une partie a été raflée par une patrouille militaire étrangère à ma commune ; cela est dû a un manque de coordination entre l'Administration et l'Armée. Toute la Compagnie Pigeaud est en opération au Bissa et moi avec eux ; on a beaucoup marché et surtout monté sur des collines ; j'ai donc pu voir les habitants du Sinfita ; du moins les femmes, les enfants et les vieillards car les hommes se sauvent devant l'Armée ; la population est belle dans son ensemble, ce sont des Berbères plus ouverts et moins séquestrés que les Arabes ; la région est très différente, boisée sur vingt kilomètres à vol d'oiseau avec des chemins muletiers.

 

14 Janvier 1958. Non sans mal nous avons récupéré la famille de notre goumier Ferkaoui ; d'abord le Lieutenant Dubois depuis Flatters à pu récupérer sa femme et quatre enfants, mais il en manquait deux partis chez leur grand-mère ; celle-ci les a cachés et elle a été menacée d'un couteau par un fellagha. Mon adjoint a tenté de les ramener mais tout le monde s'est sauvé par les ravins ; c'est finalement Dubois qui a réussi en contournant les maisons par les ravins et par la suite les hommes de ce petit hameau ont rejoint Hanoteau; c'est une victoire sur les fellaghas ! L'impôt rentre toujours : deux millions en six jours ; les gens se pressent, je dois donner des tickets d'ordre à l'entrée de la SAS.

 

9 Février 1958. Il y a eu un accrochage au Bissa entre les militaires appuyés par un Groupe Mobile de Police Rurale (GMPR) de Flatters et une bande rebelle ; un tué, cinq blessés chez nous, six tués, quatorze blessés chez eux. Grâce à cette action bénéfique une fraction des Béni Madoun, située à un kilomètre au nord de Hanoteau est revenue sur son territoire alors que un mois auparavant elle l'avait quitté.

 

16 Février 1958. Grande réunion chez le Préfet à Orléansville : il a parlé de la loi cadre pour l'organisation future de l'Algérie : cinq territoires autonomes avec l'assemblée élue au suffrage unique qui se fédèreront entre elles et s'uniront à la Métropole, étant entendu que l'Algérie restera toujours avec la France pour la Défense, les Finances et les grands services techniques.

 

5 Mars 1958. Coup dur pour l'Armée : des militaires appartenant à deux sections d'une Compagnie du 22èmeR.I. (pas celle de Pigeaud) ont été pris dans une embuscade près de Francis Garnier. Ils revenaient d'une corvée de bois et se trouvaient engagés dans un défilé où les fellaghas les attendaient et les ont cloués au sol sous le feu de deux fusils mitrailleurs, vingt quatre soldats ont été tués et seize ont réchappé ; depuis il y a des opérations pour retrouver la bande mais sans guère de résultats.

 

6 Mars 1958. Il y a des choses curieuses qui se passent : pas très loin d'ici toute une bande est organisée comme le FLN mais elle est de notre côté ; elle a son territoire de chasse, ses chefs sont musulmans, les mêmes insignes que le FLN, et presque les mêmes uniformes : elle fait payer l'impôt officieux comme le FLN et recrute chez les anciens du FLN, elle est soutenue par des politiciens locaux ; elle fait du contrôle routier et certains ont même arrêté la voiture d'un Général, cela a fait toute une histoire !

 

26 Mars 1958. Je suis à Orléansville, il commence à faire très chaud dans la journée, signe que l'été approche. Il y a des cigognes partout sur leurs nids qui claquent du bec à chaque instant. Cela fait penser à l'Alsace. L'Algérie est encore verte mais cela ne tardera pas à blondir puis à jaunir ; c'est le plus beau moment avec des fleurs partout et de l'eau qui coule. Au marché, j'ai parlé du résultat des batailles sur la frontière de Tunisie et de la destruction systématique des bandes qui la traversent. J'ai senti un certain soulagement. Les derniers rebelles se sentent traqués ou plutôt haïs mais ils sont d'autant plus dangereux.

 

OUED-HAMELIL--12-.jpg30 Mars 1958. Je suis à l'Oued Hamelil pour trois jours avec les troupes en opérations ; le chef des opérations, le Colonel Lallemand, il m'a pris par les épaules et m'a secoué comme un prunier (c'est sa manière), il m'a dit en me tutoyant (c'est aussi sa manière) "mon petit, tu vas me compter les terres qui se trouvent disponibles pour les distribuer à tous ces gens qui nous ont suivis et je compte sur toi pour faire une nouvelle Algérie". Je suis maintenant tout gonflé par mon rôle.

 

6 Avril 1958. Nous avons un nouveau Général à Orléansville : le Général Gracieux, un as de la Coloniale. Il est venu aujourd'hui à Hanoteau en Hélicoptère : tenue de parachutiste et béret rouge, avec le Colonel Lallemand et le Colonel de Belnay : j'ai à répondre à des tas de questions sur la situation locale.

 

8 Avril 1958. La rébellion me semble changer de visage : la lutte devient moins militaire que politique, le FLN recrute de façon intensive, mais ne désire pas s'engager dans des opérations où il a le dessous ; les Katibas ont des zones refuges où elles n'aiment pas être dérangées ; le FLN pourra dire par la suite qu'il a des effectifs et des armes en abondance et se présentera comme un puissant parti au moment des élections.

 

18 Avril 1958. Ici tout est tranquille sauf que le Capitaine Pigeaud a désamorcé hier deux bombes d'avion non explosées qui avaient été piégées et devaient sauter sous mon véhicule. J'admire son courage et sa conscience parce qu'il a voulu faire lui-même ce désamorçage sans exposer ses soldats.

 

5 Mai 1958. Monseigneur Duval Archevêque d'Alger, est venu me faire une visite pastorale à Hanoteau ; il a été très simple et doux et a développé le sens de la lutte contre le communisme dans le monde…. Il m'a parlé du grand oncle Montalembert. Je l'ai conduit en ville auprès de mes administrés musulmans et il a été heureux de s'entretenir avec eux ; le maire européen s'est excusé de l'absence de ses concitoyens soi disant retenus aux champs mais cela ne les empêchait pas d'être chrétiens….

 

14 Mai 1958. Il n'y a pas eu de coup d'Etat le 13 mai mais le brusque sentiment qu'on avait gagné la partie contre les fellaghas et que seul le gouvernement était en train de la gâcher par son attitude équivoque permettant la relance perpétuelle du FLN.

Donc, dès que Massu a apparu au balcon du Gouvernement Général à Alger en proclamant "l'Algérie" Française devant une foule immense avec Salan à ses côtés, on a senti qu'il y avait quelque chose de changée. Alors voilà, on est en pleine insurrection ; à Hanoteau, nous sommes au courant par radio. Aujourd'hui mercredi, on diffusait les télégrammes de tous les comités de Salut Public Locaux qui adhéraient au mouvement général. Je crois que c'est un feu de paille qui indique un état d'esprit tendu ; en tous cas, le Président du Conseil tiendra compte de la situation dans son programme. L'Armée se sent brimé parce que les Pouvoirs ne réagissent pas ; il faut ajouter les menées subversives d'un tas de partis politiques s'opposant à son action et les Européens d'Algérie qui sont tenus à l'écart.

 

20 Mai 1958. Ici on vit la révolution, une révolution toute d'enthousiasme et sans casse. Le Préfet est parti, le Sous Préfet aussi, je crois ! On fait des Comités de Salut Public partout avec l'Armée dedans. C'est une explosion de joie ; les Français de souche ont repris courage ; les Musulmans se retrouvent à nos côtés dans une union totale ; le dynamisme de l'Algérie secoue toute la paralysie administrative.

Nous aussi nous avons notre comité de Salut Public et ce soir on fabrique des banderoles pour la manifestation de demain. J'ai lancé la consigne à tout le bled de descendre à Hanoteau ; on fera des discours et on se recueillera au monument aux morts.

La manifestation d'Hanoteaus'est passée encore mieux que je ne l'espérais ; il y a eu plus de mille personnes ; j'avais fait acheter des drapeaux à Orléansville le matin même, dans mon bureau on faisait des cocardes ; au camp militaire ; on faisait des calicots avec des inscriptions : Comité de Salut Public du Sinfita, du Main et d'Hanoteau ; un mât a été dressé sur le marché pour le drapeau tricolore ; on a enregistré une bande magnétique avec dessus le discours de Salan, les discours des notables, la musique, tout était parfait ; on a oublié une chose, il n'y a pas d'électricité sur le marché ; on s'est rattrapé heureusement en diffusant la bande au camp militaire où une gerbe a été déposée.

Il y avait unanimité avec les Musulmans venus en masse qui osaient se prononcer pour la France malgré la proximité du Bissa rebelle.

 

SAS-d-Hanoteau-le-13-Mai-1958.jpg25 Mai 1958. Hier à Ténès il y a eu une grande manifestation : tous les chefs de SAS étaient en tête des Comités avec leurs banderoles, Européens et Musulmans mélangés, arrivant par centaine de voitures ou camions couverts de drapeaux ; à l'annonce de leur nom, chaque Comité défilait devant la tribune. Enfin par hélicoptère sont arrivés les Généraux Allard et Gracieux. Tous tambourinaient: "Al-gé-rie Française, Sous-telle, Sa-lan" et cela a fini par la Marseillaise !

Quelques jours après ces manifestations sympathiques je suis parti en permission en France. Mon retour s'est fait le 15 juin 1958. A Alger j'ai retrouvé mon beau frère Armand de Vasselot en stage d'Ecole de guerre, et Solange de Cugnac qui débute comme petite sœur du Père de Foucauld. Alger n'est plus dans l'agitation, les drapeaux tricolores sont encore là, un peu défraîchis. On commente les grands évènements qui se sont déroulés et l'arrivée du Général de Gaulle accueilli par 500.000 personnes.

J'ai retrouvé Hanoteau sans grand changement ; je crois que tous les grands évènements politiques pourraient se produire, que la situation de l'Algérie sera toujours pareille, c'est-à-dire une misère physique latente sans remède et le sentiment d'être dans cette pauvreté et d'en jouir comme d'un bien précieux accordé aux ascètes ? Pêne et Pigeaud sont là en bonne forme et toujours en opérations. Du côté de l'Oued Hamelil, fait nouveau, cent familles ont été regroupées.

 

22 Juin 1958. Le renouveau en Algérie se marque par l'écrasement du Corps Préfectoral au profit de l'Armée qui se sent bien embarrassée de ce fardeau ; les SAS sont en principe sous les ordres de l'Armée ; on n'aura plus la belle initiative d'antan du temps des Préfets. Notre Sous Préfet a demandé sa mutation et le Comité de Salut Public de Ténès a voté une motion pour son renvoi !

 

10 juillet 1958. J'ai un remplaçant pour la SAS, il s'appelle Lorsin, il est Lorrain de St Mihiel, il vient de Kabylie où la vie est beaucoup plus dure et la rébellion sérieuse ; ancien scout, dynamique, bien élevé, enfin le type parfait !

 

12 Juillet 1958. J'étais en opération et en fouillant un bosquet de lentisque, mes goumiers ont débusqué un jeune homme qui a fui devant nous ; ils ont voulu l'arrêter, pas moyen, on a tiré, il a été tué. Tous les hommes des mechtas avaient fui, il restait les femmes et les vieillards ; je les ai harangués du mieux que j'ai pu. Le soir, j'ai été à Flatters pour ramener des chevaux pour la fantasia du 14 juillet et je suis revenu à cheval avec quatre goumiers, sept kilomètres en nous payant des courses au grand galop, c'était épatant.

 

13 Juillet 1958. Armand est là dans mon salon d'Hanoteau; je suis tellement content de recevoir quelqu'un de la famille pour en parler plus tard. Avec lui et le Capitaine Pigeaud, nous nous sommes rendu en convoi à l'Oued Hamelil où il a pu voir le regroupement et le poste militaire ; nous avons même pris le café dans un petit gourbi où se trouvait la famille d'un goumier ; le soir nous avons assisté à la répétition de la fantasia du lendemain puis nous avons été au café maure pour voir un peu la population.

 

 

14 Juillet 1958. Le lendemain la cérémonie du 14 juillet s'est déroulée comme prévue : prise d'armes, défilé, vin d'honneur et rafraîchissements ;

Ensuite Armand a été accompagné à Orléansville.

 

HANNOTEAU.jpg16 Juillet 1958. Il y a eu une grande fête à Hanoteau organisée par les notables des nouvelles communes pour prouver leur attachement à la nouvelle politique ; la population est descendue du Beni Derdjine avec cent cinquante plats de couscous pour dix personnes qui ont été déposés de part et d'autre de la rue du village sur deux cents mètres. C'était un très joli coup d'œil et combien sympathique ; il y a eu aussi une belle fantasia au grand galop avec coup de feu à blanc.

Ce fut pour moi la dernière manifestation durant mon séjour à Hanoteau que j'ai quitté avec regret le 27 août 1958, mais aussi combien heureux de retrouver ma chère Geneviève qui si courageusement avait accepté de me laisser partir et de retrouver enfin la vie de famille avec mes chers enfants qui ne m'ont pas oublié.

 

 

Commandant Edouard de Montalembert.

 

 

Les Photos couleur proviennent de la collection de Philippe FOUCHER.

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5 août 2010 4 05 /08 /août /2010 18:21

CHEF DE SAS A FRANCIS GARNIER

 

Extrait des souvenirs d'Algérie par le Commandant

Edouard de MONTALEMBERT

 

Commandant Edouard de MONTALEMBERTSaint-cyrien de la Promo 39/40, officier des troupes de Marine, le Commandant de MONTALEMBERT a d'abord "supervisé" les S.A.S de la commune Mixte d'Aumale, puis commandé les S.A.S de Francis Garnier et d'Hanoteau dans le secteur d'Orléansville et de Ténès.

 

 

 

  Séjour à FRANCIS GARNIER

 

J'ai gardé de ce séjour à FRANCIS GARNIER un souvenir merveilleux : imaginez au bord de la mer, une crique de sable et de galets, au devant une mer bleue et chaude, à Francis-Garnier-avec-au-fond-Port-Breira.jpgl'arrière, un terrain qui monte légèrement vers des collines dénudées certes mais parsemées de buissons odoriférants, et au loin d'âpres montagnes couvertes d'un épais manteau de chênes lièges. Tout est légende dans ce pays ; en creusant un abri sur une hauteur, des militaires sont tombés sur un ancien temple romain, une colonne en pierre, a jailli du sol, une pièce de monnaie romaine m'a été offerte, que je garde en souvenir. Echouée sur la plage découverte à marée basse, une grande ancre de bateau gît au milieu des galets, l'épave est à quelques encablures du bord de mer, c'est un très vieux navire de guerre dont on retire encore quelques canons : on en connaît l'histoire, ce navire transportait au début du XIX° siècle, des immigrés se rendant au Sénégal. Parmi les passagers, se trouvaient des religieuses hollandaises et yemma-binette-copie-1.jpgleur mère supérieure qui ont été probablement sauvées par la population locale. Que sont-elles devenues ? L'histoire est maintenant muette ; pourquoi y a-t-il tant de blonds aux yeux bleus ? Pourquoi y a-t-il sur une hauteur (près du temple romain) le tombeau si vénéré de la "marabouta" ? Quand un habitant déclare sa bonne foi, il s'écrit encore "je te le jure par la marabouta" (ach'arabi marabouta") ; c'est troublant : ce tombeau est celui de la mère supérieure vénérée pour ses bienfaits? Me voilà donc plongé sur le terrain, ce que j'aime par-dessus tout, mais revenons en arrière.

 

Après ma permission en métropole, je prends à nouveau l'avion pour ALGER (27/05/57). Je suis fouillé à l'arrivée, ma tête ne leur revenait pas, trop hâlée par le soleil d'Afrique pour un métropolitain ! Je retrouve mon ami T. dans son bar préféré : il me fait part de la situation : recrudescence du terrorisme, mais pas aussi violent qu'en février, gros combats près de Médéa et à la frontière de Tunisie, les bandes se regroupent et sont plus facilement détruites, mon impression : ce sera long mais cela tournera en notre faveur. Ce qui est nouveau ; les SAS travaillent avec l'Armée : le bâton et la carotte ! Dans le bled, l'autorité civile n'existe que pour distribuer des crédits.

 

Je prends le train pour Orléansville, je trouve une ville en ruine comme après un bombardement, c'est le résultat du tremblement de terre de 1955 ; les rues sont bordées de baraques ou d'amoncellement de pierres, les gros immeubles sont lézardés. Je vois mon supérieur : le Colonel Mirabeau ; je suis affecté à Francis Garnier sur la côte à 45 km à l'est de Ténès. Le village est très coquet, tout neuf (le tremblement de terre), des francis-garnier-l-eglise.jpgvillas de colons Européens au milieu d'une population Berbère, un café, une petite église, un foyer rural. A trois kilomètres à l'est, se situe le débouché du téléphérique transportant le minerai de fer de la mine de Breira : un promontoire rocheux prolongé d'un quai en eau profonde pour l'accostage des bateaux minéraliers. Je dépends du Sous Préfet de Ténès, les militaires appartiennent au 22ème R.I. Colonel Rieutord ; une compagnie se trouve à Francis Garnier, Capitaine de réserve Ychard ; une autre à Breira, Capitaine de réserve Mercier qui me remplacera plus tard à la SAS. Je suis tout de suite dans le bain, car une fraction vient de se rallier (une fraction est une subdivision du douar qui est un groupement territorial administré par un caïd. Nous avons désigné des responsables, distribué des armes, organisé une chaîne de guetteurs en cas d'attaque du FLN. Pour situer et décrire notre action, rien de mieux que des extraits de lettres heureusement conservées.

 

5 juin 1957 : Dans ce milieu de rudes soldats, rudes paysans rusés et hâbleurs, poussés à l'extrême par suite de circonstances, violences ou découragement, il s'agit pour un chef de garder son bon sens, son courage et son sang froid. Dans la fraction "Souhalia", ralliée récemment, dont les journaux ont parlé, 4 fellaghas se sont présentés, l'un a été attrapé et a dénoncé une cache d'armes que l'Armée a saisi : 23 fusils de chasse, 5 pistolets ; la confiance commence donc à revenir. Hier j'ai visité avec le Chef La-mine-de-BREIRA-photo-Paul-ANTIKOW.jpgde Bataillon, les mines de Breira situées à 10 km. dans la montagne. Nous sommes partis en convoi, le pays est rallié à nous ; il y a là-haut, le service d'exploitation et tous les ouvriers de la mine ; la Compagnie Mercier y fait un travail de protection et de pacification très profitable notamment la section du Lieutenant Pêne que j'ai bien connu à Hanoteau par la suite ; il sera tué en combattant près d'In Salah en 1960.

 

9 juin 1957 : Le fragile ralliement des Souhalia semble un résultat à condition que les rebelles ne viennent pas massacrer les habitants ; déjà deux fois, ils ont été signalés et chassés par les militaires, depuis jeudi, ils ne sont pas revenus, les habitants ne couchent plus dans les maisons mais dans les champs. Ce matin, j'ai reçu tous les 03---Ralliement.jpgchefs de Fraction des Béni Haoua qui ressortent de ma SAS et mercredi il y aura une grande fête de ralliement à la mine de Breira avec la présence du Préfet et du Général. On fondera un dispensaire et une école qu'il faudra installer en trois jours, il y aura couscous et méchoui ; les principaux artisans de ce ralliement spectaculaire sont l'Armée d'abord, le chef de la mine ensuite ; Mr Roumestant qui fournit du travail à trois cents ouvriers et un ancien notable musulman qu'on a sorti de prison, qui s'est rallié, à qui on a dû passer de la pommade et qui a de l'influence sur les braves paysans ; cela ne m'étonnerait pas qu'il soit un commissaire politique clandestin. Ainsi on joue avec le feu : cela s'appelle de la propagande psychologique ! La population ici n'est pas arabe mais berbère, ce sont des blonds cendrés aux yeux bleus ou des rouquins, ils devaient être nos ancêtres du temps des barbares, mais ils sont restés tels : le dernier qui a parlé a raison, le plus fort est le chef, en ce moment ils hésitent entre nous et les rebelles.

 

14 juin 1957. Ce matin j'ai rayonné autour de Francis Garnier, avec mes Goumiers, le 02 - Pacificationdocteur et deux assistantes médico-sociales détachées à la SAS (l'une française l'autre musulmane), un paysan m'a dit "tu es pour moi comme mon père et tant que tu seras là, nous aurons confiance". Hier visite du Préfet Chevrier et du Général Renault aux mines de fer : présentation des troupes, inauguration de l'école et du dispensaire, j'étais à la cérémonie, elle était mal organisée.

 

23 juin 1957. Avec un officier du service psychologique et le Capitaine Portman (fils du sénateur de la Gironde) nous avons visité une Fraction pour y recruter des supplétifs et inaugurer un nouveau marché ; c'est du travail à la Lyautey !

 

25 juin 1957. Je viens de faire en auto tout un périple, par Breira, Souk hamelil, Carnot, les Attafs (là où réside le Bachagha Boualème) puis Orléansville enfin retour par Ténès. Demain je m'occupe du budget d'une future commune dont je serai le gérant.

 

30 juin 1957. Vendredi très calme ; travail au bureau de la SAS, puis bain à la plage. Samedi, montée à Breira à 18 km, tournée au marché, visite à la Compagnie du Génie à Oued Damous pour voir les travaux de piste, déjeuner avec les Officiers, nous nous régalons de langoustes fraîches péchées à Francis Garnier. Je vois le Capitaine Mercier qui me remplacera à la SAS prochainement. Dans la matinée j'avais reçu trois responsables de la Fraction des Souhalia ralliée ; qui défendent les habitants avec seulement trois fusils de chasse, c'est une pitié ! mais l'armée s'oppose parfois à la formation de groupes d'Autodéfense et livre ainsi ces pauvres gens à la vengeance des Fellaghas, j'ai dit pour les rassurer que l'Armée interviendrait immédiatement en cas d'incident ; deux hommes avaient été égorgés dans le voisinage, quelques jours avant, les Fellaghas étaient descendus de la montagne chez eux et avaient incendié une maison avec la famille à l'intérieur, les parents furent brûlés vifs, les enfants furent recueillis à la SAS et confiés ensuite à un ménage sans enfant.

 

8 juillet 1957. J'ai fais une grande tournée SAS avec les militaires : réveillés à 5 heures du matin, nous avons marché jusqu'à 11 heures, puis déjeuné sous un chêne vert à 600 mètres d'altitude avec vue sur la mer dans le lointain et tout un paysage montagneux et rocailleux aux alentours, l'après midi, un grand rassemblement de la Fraction pour qu'elle se prononce sur leur future commune de rattachement. J'ai discuté longuement avec les jeunes gens et les vieux barbus. Le soir nous avons dîné toujours sous notre chêne d'un couscous offert par la population, puis nous nous sommes endormis à la belle étoile ; le lendemain après deux heures de marche, même réunion dans une autre Fraction, puis au retour, arrêt au gourbi de mon Goumier qui était fier de me montrer à sa famille : sa maison semblait un trou dans le sol recouvert d'un épais manteau de paille et de sable ; on comprend que lors du tremblement de terre de 1955, tant de familles du bled soient mortes étouffées par l'éboulement de leurs maisons ! Le lendemain dimanche : grosse journée, car c'est le marché : les hauts parleurs du service 08 - Ralliementpsychologique étaient installés ; j'ai fait parler des notables au micro, ils ont beaucoup appuyé sur la France, le retour à la paix, les mérites du Capitaine de la SAS (sic). Ensuite, réception à mon bureau : le Caïd, le Garde-champêtre, un ancien Fellagha rallié, une chikaya pour des orphelines dont les oncles se disputent la garde pour une histoire d'héritage. Telle est la vie habituelle dans la SAS de Francis Garnier. Ce même jour un évènement pénible et révélateur de l'état d'esprit qui régnait ici, s'est produit : quatre Fellaghas notoires sous mandat d'arrêt à Ténès ont été relâchés faute de preuves de culpabilité et sont revenus à Francis Garnier. Aussitôt la rumeur a couru que le FLN pouvait avoir des appuis des autorités civiles ; l'Armée, responsable du maintien de l'ordre, semblait bafouée. Ces Messieurs, forts de leur impunité, le faisaient savoir partout. Avec le concours de la Gendarmerie, j'ai aussitôt envoyé un message radio au Sous Préfet, lui demandant leur expulsion de la commune. A 15 heures, il répond en ordonnant leur arrestation immédiate. Ils ont pu être arrêtés à nouveau et dirigés à Ténès sous escorte militaire. Cette mesure a calmé les esprits, car la crainte de notre faiblesse disparaissait pour les uns, la crainte de notre force apparaissait pour les autres. La leçon de cet incident, c'est qu'en période insurrectionnelle, il faut répondre par des moyens adaptés et exceptionnels car la justice du temps de paix est sans cesse bafouée, les témoins d'un crime sont assassinés ou menacés de l'être ; donc cette justice est inopérante et démontre notre faiblesse face au désordre.

 

10 juillet 1957. Hier j'ai assisté à l'enterrement de six hommes de ma Fraction ralliée qui se sont aventurés trop loin dans la montagne et ont été égorgés par les Fellaghas. Mais il fallait voir aussi l'indignation de la fraction et le désir de venger leurs frères. 08 - PacificationAujourd'hui je suis retourné à nouveau chez eux avec l'armée et l'assistance médicale pour soigner les malades, réunir les notables, discuter des mesures à prendre ; cela fait plaisir de voir les enfants nous saluer avec des sourires, les femmes présenter leurs nourrissons à la visite, les hommes nous serrer la main ; on sent renaître la vie et la confiance malgré le danger ; ce travail que nous avons obtenu, tous en collaboration, la SAS, l'Armée et le service psychologique est vraiment réconfortant. Nous vivons comme des frères avec les Musulmans, partageant leur repas au milieu de leurs gosses et de leurs femmes et discutant des bandits et des sauvages de la montagne. Si vraiment ceux qui parlent d'indépendance de l'Algérie nous voyaient, ils se mordraient les doigts d'avancer de pareilles stupidités.

 

12 juillet 1957. L'Algérie n'est pas perdue comme le pensent certains Français ; bien au contraire, tous les Musulmans marchent avec nous ; ils parlent de choses terribles pour chasser les rebelles : brûler les forêts, empoisonner les sources, vider les silos à grains des Fellaghas, tous les appellent des bandits, ils disent que ce n'est pas digne d'un Musulman d'égorger des gens comme des chèvres ; bref ils sont pour nous à fond. Mais cet impitoyable banditisme durera encore longtemps malheureusement car il faut les traquer comme des sangliers.

 

13 juillet 1957. Aux Souhalia, l'armée avec la population est passée aux actes en se rendant en terrain ennemi, tout le bétail volé a été repris, le feu a été mis aux récoltes, de sorte que les Fellaghas n'auront plus rien à manger.

 

14 juillet 1957. J'ai dîné la veille de ce jour avec les notabilités de Francis Garnier : le M-et-Mme-ROUMESTAN-Cpt-MERCIER-et-M-et-Mme-LAUNOY.jpgdirecteur de le mine de Breira : Mr Roumestan en famille avec trois petits garçons, Mr Père, gendre de Mr Bortolotti, gros colon du coin, le Maire de Ténès et Vice Président de l'Assemblée Algérienne, enfin le Capitaine Mercier et son épouse. Ce jour glorieux a commencé par une prise d'armes et un défilé, moi en tête avec mes Goumiers derrière, l'Unité Territoriale ensuite (c'est-à-dire tous les habitants chargés de la défense et capable de porter un fusil) enfin, une section de l'Armée ; je me suis tapé un beau discours sur la place en présence d'une foule nombreuse, puis levée des couleurs, apéritif, couscous des anciens combattants (cent convives). C'était très réussi et très Franco-Musulman. Il y a certainement une large détente mais tout n'est pas réglé, en tout cas un large parti Musulman est pour nous. J'ai beaucoup de côte sur la population tant européenne que musulmane, je le dis sans me vanter et cela m'embête de céder la place à Mercier, mais on n'est pas irremplaçable.

 

19 juillet 1957. J'ai été hier dans le second douar de la SAS, là où se trouvent les mines de fer de Breira. Nous y avons une autre politique que celle appliquée aux Souhalia ; les hommes y sont des ouvriers travaillant dans la mine et la politique est pro Arabe comme le veulent les industriels ; on a donc gonflé un ancien nationaliste sorti de prison et teinté de fellaghanisme qui sera le futur maire de la commune à créer ; on lui passera tous les pouvoirs mais il sera inféodé à la mine qui le tiendra par son pouvoir d'embaucher ou de licencier  ses administrés. Le pays est maintenant calme après la grande secousse des mois passés, mais on se méfie de l'eau qui dort. Un Arabe m'a confié : "ici, ce n'est pas une guerre, mais une maladie".

 

5août 1957. Nous sommes tous attristés par la mort du Capitaine  Portman, tombé dans une embuscade en quittant Francis Garnier, c'est le fils du sénateur, il avait 16 - Ralliementdemandé à servir dans le service psychologique ; il organisait la pacification chez nous, il avait monté une école et une infirmerie à Breira, une autre école aux Souhalia ; j'ai déjeuné avec lui, on a parlé d'un nouveau village à créer pour les Souhalia et il m'a fait espérer des crédits ; nous nous sommes quittés à 15heures lui partant à Ténès sans escorte comme il en avait l'habitude, avec à son bord une jeune stagiaire parisienne et deux blessés civils à conduire à l'hôpital ; moi partant aux Souhalia pour des consultations médicales avec le docteur, l'infirmière et naturellement mon escorte de Harkis. Je me trouvais donc à quelque centaine de mètres du lieu du drame. Ce sont de très jeunes Fellaghas qui l'attendaient sur la route ; la jeune fille et les deux blessés ont eu la vie sauve, mais le Capitaine a été emmené dans les fourrés ; la jeune fille a été retrouvée sur la route par un détachement militaire qui passait ; l'alerte donnée, les militaires sont venus me retrouver, me priant de ramener cette personne ; je l'ai donc prise dans ma jeep ; elle était tout en larmes et ne m'a rien dit. Le lendemain le corps de Portman a été retrouvé ; il avait reçu une décharge dans la nuque.

 

7 août 1957. J'ai vu hier le petit frère du Père de Foucauld : Frère Louis, la communauté de ces petits frères se trouve dans la montagne du Bissa, c'est un massif forestier que l'on voit au loin sur les crêtes, on les appelle aussi "Petits Frères du Bissa" et ils vivent au milieu des Fellaghas. Frère Louis me tient des propos ahurissants : il dit qu'il ne fait plus confiance aux officiers de l'Armée Française sauf quelques uns : trop de vol, d'assassinats et de tortures qu'ils ont laissé accomplir ! Le Général de Bollardière à bien fait d'écrire sa lettre (contre la torture justement). Il est douteux que la France représente l'ordre et la justice pour l'Algérie ; l'Armée de la libération (FLN) a autant de droits de diriger la destinée de ce peuple. Nous sommes neutre dans ce conflit, nous sommes chrétiens avant tout et faisons abstraction de notre qualité de Français ; la population qui nous entoure n'est pas rebelle. C'est triste de constater tant d'aberrations avec tant de bonne volonté ; ils n'ont disent-ils, aucun contact avec le FLN et doivent partir sur le champ, sur ordre de l'Archevêque, s'ils doivent prendre parti dans un camp. Ce n'est pas la première fois que je vois ces petits frères. Dès mon arrivée à Francis Garnier  eu juin dernier, j'ai servi la messe un dimanche, le Frère Louis officiait et j'étais le seul assistant. J'ai su alors que beaucoup d'Européens les considèrent comme des Fellaghas sans pouvoir les comprendre. Un jour à Ténès, le Père curé qui s'appelle "de Vienne", ancien officier de la Légion, m'a demandé si les petits frères du Bissa tenaient bien le coup car il était chargé de renseigner son Evêque.

 

14 août 1957. Le petit Frère Pierre qui était à El Abiod autrefois, est descendu du Bissa aux Souhalia sur un mulet pour réclamer les femmes de plusieurs Fellaghas que l'Armée avait obligé à descendre ici afin que leurs maris se décident à se rallier. La population le regarda de travers et lorsque les notables ont apporté le couscous, il n'a pas été invité ; on lui a seulement donné un peu d'eau ; c'était un peu désagréable de voir ce petit Français Vendéen, objet de scandale et de réprobation et soupçonné d'espionnage par cette population locale.

 

21 août 1957. Lundi sont venus à mon bureau, trois petits Frères de Foucauld : un ancien, Frère Pierre et deux nouveaux venus en inspection dont le Frère Milad, adjoint du Frère Vuillaume ; Frère Milad, est intelligent et sympathique ; on a parlé à cœur ouvert du rôle de l'Armée, de la SAS, du rapprochement des esprits, de la mission périlleuse des Frères chez les Fellaghas (ils se défendent d'être au milieu des Fellaghas) ; ils sont sympathiques, mais on hésite à leur parler de la mission de la France puisqu'ils sont en dehors du coup.

 

28 août 1957. A la sortie de la messe à Ténès, j'ai été invité au petit déjeuner du père Le-clocher-de-l-eglise-TENES-P.ANTIKOW.jpgcuré, il y avait l'aumônier du régiment et d'autres encore : tout ce milieu est de tendance autonomie Arabe et peuples de couleur en opposition avec la traditionnelle politique Française ; ils n'étaient pas contents du ralliement des Souhalia ,le village que je crée actuellement ; ils disent "ils se sont ralliés par peur, ce n'est pas sincère, l'Armée leur a permis de piller leurs voisins". Je leur ai dit que ce n'était pas vrai, que c'étaient les autres qui avaient brûlé leurs maisons. On m'a lu un article de "la Croix" de Monseigneur Feltin disant qu'il ne fallait pas faire du sentimentalisme désuet. Bref le monde religieux s'oriente en France sur autre chose que les valeurs traditionnelles de la France que nous avons dans le sang. C'est désagréable car on lutte seul. Espérons que cette tendance s'atténuera et que l'église redeviendra Française !

 

30 août 1957. Je suis à la veille de partir pour Flatters, mon nouveau poste provisoire ; c'est au sud de Francis Garnier, au-delà du massif forestier du Bissa à 30 kilomètres à vol d'oiseau. Ce n'est pas sur la côte, mais tant pis, je regretterai la pêche sous marine qui était ma distraction favorite dans les moments de détente ; je regretterai aussi la population si attachante de ce lieu enchanteur de Francis Garnier avec en toile de fond tous ces évènements dramatiques que j'ai partagé de tout mon cœur avec eux.

 

A suivre dans l'article  "Chef de SAS à Hanoteau"

 

 

Photos de la collection de Paul ANTIKOW

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