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2 août 2009 7 02 /08 /août /2009 15:11

ALLOCUTION DU COMMANDANT KUBLER
CHEF DU 3ème BATAILLON  DU 22ème R.I.

 

 

LE 16 JUIN 1958 A TENES A LA LEVEE DES CORPS DES CAMARADES TUES DANS L’EMBUSCADE DU 10 JUIN 1958

 

 

 

       Le 10 juin 1958 une opération s’engage, dans la région du massif côtier à 7 kilomètres au nord ouest de CAVAIGNAC. Dans la matinée les unités se mettent en place. Peu à peu une immense nappe de brouillard s’appesantit dans la cuvette du TALASSA, noyant la vallée, estompant les ravinements, les buissons, les murettes, débordant les crêtes. L’observation est presque nulle. Vers 14 heures, la 11ème compagnie avance comme à tâtons lorsque tout à coup, le déchainement des armes automatiques et des fusils vient rompre le silence ouaté. Caché dans les broussailles et derrière les murettes, plusieurs centaines de fellaghas profitant du brouillard ont laissé s’approcher la compagnie à bout portant. La lutte s’engage, d’autres unités interviennent, dégageant la 11ème compagnie, tandis que la bataille continue les corps des tués sont acheminés sur TENES.

 

       Les voici tous devant nous, alignés pour un dernier adieu. Regardons les. Ils étaient 16 dont la réunion constituait un symbole d’abord de l’unité Française , de l’unité de la plus grande France, qui lie indissolublement l’Algérie et la Métropole. Des Parisiens, des gars du Nord et du Midi, un enfant de Castiglione, deux soldats de confession Musulmane, et deux harkis unis dans la bataille et dans la mort par un même idéal et pour une même cause. Un symbole  ensuite de pérennité dans l’action, de ce cycle ininterrompu qui depuis tant d’années relie les anciens aux jeunes qui prennent des mains de leurs aînés le flambeau des traditions, des espoirs et des résolutions. Regardons les, DAMIS, MOUCHEL, ALBERT, qui depuis 19 mois portaient le flambeau sur la terre Algérienne, et qui s’apprêtaient à le passer à ces jeunes débarqués du 1er juin MEZIANE Areski , DUROUSSEAU, GUIRAUD. Trois pour trois, le compte y est. Symbole enfin de la fraternité d’armes qui relie dans cette communauté de la mort le soldat à son Commandant d’unité.

 

       Regardons les, ce sont des enfants : vingt et un ans, vingt deux ans. MEZIANE Areski, DUROUSSEAU Jean, LEROUX Paul, GEORGES Daniel, GRANSART René, LOT André, le caporal DAMIS de Clichy, marié un enfant présent à la compagnie depuis le 6 novembre 1956, GUIRAUD Gérard qui débarquait, MOUCHEL Claude, ALBERT Claude, fils de CASTIGLIONE, MAZOUZ Abdelkader de PALIKAO, CHERRAD Abderrahim de PALIKAO, le canonnier RONCIER de BAGNER PICON en ILLE et VILAINE.

 

       Regardons les, les voici tous en ligne formant une haie d’honneur pour quelqu’un. Quelqu’un qui dans la vie était placé au dessus d’eux, qui les guidait, qui marchait à leur tête et que la mort est venue faucher, le lieutenant SENAC leur commandant de compagnie.

 

       Henri SENAC est né le 18 novembre 1925 à TOUL SAINTE CROIX dans la CREUSE. A quatorze ans il entre à l’école d’enfants de troupe de BILLOM. Les quatre années qu’il y passe lui inculqueront le sens de la discipline et l’amour du métier militaire qui seront la marque de son caractère. En 1944 à 19 ans il passe au maquis. Affecté au 13ème R.I., il participe en janvier 1945 aux opérations devant LA ROCHELLE. A l’expérience du feu ainsi acquise il joint l’expérience et la connaissance des hommes pour avoir partagé comme caporal et caporal chef la même vie qu’eux pendant deux ans. Ses qualités de travailleur, son désir de s’élever, son souci constant de mieux faire le pousse à préparer l’E.S.M.I.A.  Il est reçu au concours d’entrée en 1949, et à l’examen de sortie en novembre de la même année. Le 1er octobre 1950 le voici Sous Lieutenant. Après son stage à l’école d’Application d’Infanterie, il est affecté au 92ème R.I.  Sa santé délicate l’empêche de partir en Extrême Orient. Il est affecté à l’école militaire préparatoire de BILLOM où son sens du devoir et ses qualités morales font de lui un parfait éducateur des jeunes enfants de troupe dont il fût lui même. En 1956, il est désigné pour faire partie de l’encadrement des unités du plan VALMY. Le 17 mai 1956 il arrive à ISSOIRE dans cette caserne de BANGE, où le 3/22ème R.I. va se mettre sur pied. Il reçoit le commandement de la 2ème Compagnie. Débarqué en ALGERIE, il va pendant cinq  mois participer à l’activité opérationnelle du Bataillon dans le secteur de CHERCHELL. Mais cette vie dure éprouve sa santé, il doit partir se faire opérer. Rétabli il n’a de cesse de revenir sur cette terre Algérienne. Alors que la grave opération chirurgicale qu’il a subie pourrait lui permettre de rester en France, il demande à retourner au 22ème R.I. et le 1er août 1957 il reprend le commandement de son ancienne unité cette fois dans le secteur de TENES.

 

       A la tête de sa Compagnie, il affirme ses qualités d’organisateur et son ardeur au travail, son extrême conscience. Il affirme ses qualités de cœur s’attirant la haute estime de ses subordonnés et de ses soldats. Sans cesse il paye d’exemple, et son entourage subit le rayonnement de ses hautes qualités morales. Parmi celles-ci il nous faut essentiellement retenir celle qui se fait jour tout au long de son dossier. Celle que souligne depuis 10 ans tous ses chefs, cette constante fermeté d’âme qui marque le triomphe de l’esprit sur la matière, la volonté bien arrêtée de ne pas laisser une santé chancelante donner prétexte à un ralentissement de l’effort. Comme ces héros de VIGNY il a souffert en silence, comme eux il a lutté jusqu’au bout , jusqu’au sacrifice suprême, et jusqu’au bout il a donné l’exemple.

 

       Mort du 10 juin, compagnon d’armes fidèles, votre corps va nous quitter, mais votre souvenir demeurera à jamais parmi nous. Le sacrifice que vous avez consenti ne peut que nous ancrer dans la résolution farouche de continuer la lutte pour vous venger et parvenir au but, que tous ensemble nous nous étions fixé. Le destin vous ravit à nous à l’aube de ce magnifique élan de foi, d’espérance et de fraternité qui soutien l’ALGERIE.

 

       Il nous appartient, nous inspirant de votre exemple, de serrer les dents, continuer sans défaillance le sillon commencé, de cheminer tout droit sur la route longue et dure, guidé vers le but par votre ombre fraternelle.

 

       Frères d’Armes, comptez sur nous et partez en paix nous saurons ne pas oublier.

 

 

       Le Commandant KUBLER.

 

 

Ce texte m’a été communiqué par Roland BAUDRU, Albert ROUSSEL et Claude BOURGOUIN.

 

 

       Michel.

 

 

 

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