TEMOIGNAGE DE MARC DUBOS
SUR L'EMBUSCADE DU 28 FEVRIER 1957.
Je suis intervenu tout à fait par hasard dans cette embuscade, dans les conditions suivantes :
Jeune Lieutenant de réserve au 586 B.T. stationné au cantonnement de NOVI, j'avais pour mission ce jour là de transporter des plaques de préfabriqués destinées à la construction de baraquements pour le 1/22 R.I. à GOURAYA.
J'avais comme moyens une jeep avec 3 soldats armés de M.A.T 49 et 3 G.M.C. avec chauffeurs.
Alors que j'arrivais par la route côtière NOVI – GOURAYA, près de cette localité, les occupants d'une jeep arrivant en sens inverse, me firent signe de m'arrêter. Un Colonel très affolé, me dit qu'une vive fusillade venait de se produire sur la piste DUPLEIX – CARNOT et qu'un avion avait disparu de son champ de vision. Il me donna l'ordre de laisser mes camions sur le bord de la route et de me rendre aussitôt avec ma jeep et mes trois soldats sur le lieu de la fusillade. La piste était longue, en mauvais état, avec de très nombreux lacets. Au détour de l'un d'eux dans un mauvais virage, nous sommes tombés sur le lieu de l'embuscade. Des camions étaient en travers de la chaussée, et de nombreux morts gisaient sur la piste et dans les camions. Je me souviens en particulier d'un tireur de mitrailleuse, mort avec un poignard planté dans l'abdomen, un fellagha était également mort à ses côtés. Des soldats probablement du 22ème R.I. fouillaient déjà le terrain à la recherche de rescapés. Un jeune Aspirant était monté sur un rocher, il nous indiqua la direction dans laquelle le petit avion avait disparu. Avec quelques soldats nous avons décidé de ratisser une zone très boisée, et à environ un kilomètre du lieu de l'embuscade, nous sommes tombés sur l'appareil, la queue en l'air, l'hélice et le moteur enfoncé dans le sol. Le pilote était mort le buste en avant et la tête couchée sur le tableau de bord.
La place du co-pilote était vide. Nous avons pensé qu'il était prisonnier des rebelles. Nous avons cependant continué les recherches autour de l'avion. Brusquement un homme est sorti d'un bosquet, il avait le visage en sang avec de nombreuses coupures et sa combinaison de vol déchirée. Il était très heureux de nous voir, car il nous dit avoir vu la mort de très près. Il nous a dit que les rebelles arrivaient en courant alors qu'il venait de sortir de la carlingue de l'avion. Je serais très heureux de le revoir ! Nous avons rejoint avec lui le lieu de l'embuscade où des moyens sanitaires étaient arrivés. Ma mission terminée, j'ai pris le chemin du retour et récupéré mes camions dans le cantonnement du 1/22 R.I. à GOURAYA. Je suis rentré à NOVI à la tombée de la nuit, après une journée qui restera gravée dans ma mémoire. J'ai eu connaissance par la suite qu'une vaste opération avait eu lieu après l'embuscade et que la bande de rebelles auteur du massacre avait presque totalement été détruite.
J'espère que mon récit vous permettra de compléter vos informations sur ces moments très douloureux.
Max DUBOS.
Ce document m'a été communiqué par Raymond GUITTARD