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26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 15:28

UNE EXPERIENCE REUSSIE DANS LE DOUAR DES MINES DE BREIRA

 

 

ALGERIE

 

Octobre 1956  –  Décembre 1957

 

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  "Voici raconté simplement

L'histoire d'une expérience

qui pourrait être qualifiée

de réussie……"

 

  Décembre 1957.

 

Le Sous Lieutenant Paul ANTIKOW.

 

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On parle beaucoup de  p a c i f i c a t i o n, je crois qu'on ne se représente pas très bien en France, ce que cela signifie. Pour ma part, j'ai eu la chance de vivre en un peu plus d'un an, ce que l'on essaie péniblement ailleurs, ceci étant dû à un concours heureux de circonstances, mais aussi à la mise en commun, dans une parfaite entente entre tous, de tous les moyens disponibles.

 

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            Pour comprendre notre façon d'agir, voici quelques rappels sur la géographie et l'économie de la région dans laquelle j'ai travaillé.

 

            Elle se situe sur le littoral, dans la chaîne montagneuse du  D A H R A, grossièrement à mi-chemin entre ALGER et ORAN, c'est-à-dire au nord d'ORLEANSVILLE, région qui subit d'importants dégâts en 1955, du fait d'un tremblement de terre.

 

 13---Djebel.jpg           Le relief est très tourmenté, extrêmement travaillé par l'érosion due principalement à la pluie. La végétation est irrégulière, mais on trouve des forêts de pins et de chênes-lièges. A une dizaine de kilomètres de la côte, l'altitude atteint 1200 mètres et les progressions sont assez pénibles dans ce paysage, qui, évidemment, est plein de ressources pour celui qui veut s'y cacher.

 

            Deux cas sont à distinguer dans l'évolution sociale de cette région :

 

            En premier lieu, le douar où se trouvent les mines de fer de BREIRA qui ont constitué notre base. Quelques mots de ces mines : elles produisent depuis 1910, un minerai de fer assez apprécié, mais en quantité limitée (100.000 tonnes/an). Le directeur ne manque pas de faire remarquer que les roues de la locomotive électrique française détentrice du record du monde de vitesse ont été coulées avec de l'acier provenant du minerai de BREIRA. Malgré la situation, ces mines sont en pleine expansion et la production augmente chaque année. Le minerai extrait est transporté par un télébenne gouraya-chargeur-automatique.jpgde 10 kilomètres environ, jusqu'au bord de la mer où des installations permettent de le charger sur des cargos de 7.000 tonnes maxima.

 

            Cette entreprise, et c'est là son grand intérêt, occupe environ quatre cents ouvriers musulmans qui ont, par conséquent, chaque jour, des contacts avec la présence française. De plus une centaine de millions de francs sont distribués en salaire. Evidemment, si l'on fait la division, le minimum vital est loin d'être atteint, mais c'est une fortune comparativement aux autres fellahs. Les conditions de travail sont très pénibles, mais il faut reconnaître que la Direction fait des efforts et joue la carte musulmane.

 

            En résumé, ce douar qui s'appelle BENI HAOUA et qui regroupe 7.000 personnes environ, a donc toujours senti, d'une façon sensible, la présence de la France concrétisée par le marché et les installations administratives du centre européen, assez proche de FRANCIS GARNIER d'une part et par la mine et le travail qu'elle procure d'autre part. Signalons un bienfait inattendu de ces mines qui, à l'origine, avaient un besoin de bois pour calciner le minerai : presque tous les arbres des forêts voisines ont été abattus, de sorte que le stationnement prolongé de bandes rebelles est rendu 04---Djebel.jpgpratiquement impossible dans ce paysage assez dénudé.

 

            La présence française n'était pas partout aussi marquée et c'était le cas des douars de l'intérieur. Ces douars avaient à leur tête un Caïd, nommé par l'Administration pour la représenter. Le Caïd avait un Garde-champêtre, également musulman, et il était assisté par une "DJEMAA", Assemblée des notables de la région. Cette "mafia" n'avait dans la majorité des cas, qu'un seul souci : ramasser de l'argent en pratiquant ce que l'on pourrait appeler "la corruption de fonctionnaire obligatoire" autrement dit "BACKCHICHE", c'est-à-dire que le misérable fellah devait payer ce qui était gratuit : actes de naissance, actes de mariage, de décès, carte d'identité….. Ce Caïd était également chargé de la collecte des impôts….. Il était d'ailleurs impossible de prendre qui que soit en flagrant délit, puisque c'était la victime même qui, l'argent dans la main, vous déclarait froidement : "je lui fais un cadeau"

 

            Pour cette population, l'Autorité française était donc représentée par des musulmans qui, dans la plus part des cas, avaient une charge pour les bénéfices qu'elle pouvait procurer. Le quadrillage administratif en préfectures, sous préfectures et communes était extrêmement lâche et les seuls visages européens que l'on voyait dans le bled étaient ceux des gendarmes ou des gardes forestiers qui partaient en tournées, à cheval, pour plusieurs jours et étaient, le plus souvent, très bien reçus par les musulmans dont ils s'étaient fait des amis. D'ailleurs ces personnes nous sont actuellement très précieuses pour les connaissances qu'elles ont du terrain et de ses habitants.

 

            De quoi vivaient et vivent les musulmans : Il faut dire que ce pays est très pauvre et peu fertile, la nourriture est constituée par des galettes d'orge ou de blé, quelquefois du couscous, des fruits : figues, oranges, grenades, raisins, olives, des glands et de la viande (chèvre et bœuf).

 

            La situation sanitaire est déplorable par manque de soins et d'hygiène, mais la natalité est débordante. D'une façon générale, masse misérable (elle ne s'en rend d'ailleurs pas bien compte, n'ayant pas connu d'autres modes de vie) d'où émergent des propriétaires terrien cupides. Dans ces montagnes, pas ou peu de colons européens qui se tiennent près des centres, exploitent la vigne, les orangeraies ou les figueraies.

 

            Les populations se déplacent très peu entre les douars à l'exception des jours de marché. D'une façon générale, il existe entre les habitants de ces douars une inimité naturelle assez  poussée et les mariages, par exemple, se contractent à l'intérieur des douars. Il est très rare de voir un habitant d'un douar aller ailleurs, sinon dans les villes où il sera l'objet de la méfiance de tous. Ceci n'est pas général et certains douars ont des relations suivies entre eux, mais il serait ridicule de parler de nation algérienne : le sens national est absolument inexistant, étant donné le nombre de races (Kabyles, Berbères, Arabes….) et surtout les divisions naturelles qui règnent entre douars, tribus et familles.

 

            Un lien pourtant dont on parle beaucoup, c'est la religion musulmane : Ce lien existe, mais dans le secteur en question il est très artificiel. On est musulman parce que tout le monde l'est et que si on ne l'était pas le voisin vous montrerait du doigt. La masse totalement illettrée, ignore la base de sa religion qui se résume aux prières quotidiennes (pas toujours) et au jeûne annuel du Ramadan, assez scrupuleusement suivi, ainsi qu'en l'absence de boissons alcoolisées. De  cette masse émergent quelques "HADJ" lettrés en arabe, qui ont fait le pèlerinage de la Mecque et qui, étant donné leur influence, font souvent partie des "DJEMAAS". L'enseignement de la religion se fait dans les écoles coraniques disséminées dans le bled, où les élèves rabachent sans les comprendre, pendant des années et des années, les versets du Coran.

 

            De tout temps, comme partout le pays recelait  un certain nombre de voyous et de crapules, vivant à part de cette société et qui, possédant des fusils de chasse ou des pistolets, extorquaient leurs terres aux petits propriétaires, volaient, braconnaient, quelque fois tuaient, et constituaient, par les procès verbaux qu'ils provoquaient, l'essentiel du travail des gendarmes. Le moment venu, le F.L.N. leur fut une couverture très pratique pour intensifier leurs activités, l'idéal de leur lutte se résumant, comme de juste, en espèces sonnantes.

 

            Cependant, la marée rebelle n'apparaît qu'assez tard dans cette région puisqu'en 1956, un an après EL HALIA, rien ne s'est encore passé. Une unité de rappelés s'installe et s'empresse d'entasser des barbelés autour des cantonnements au lieu de parcourir le djebel.

 

            Vers juillet 1956, des émissaires H.L.L. parcourent le secteur, se rendent compte de la facilité de la prise en mains des populations et prennent contacts avec les bandits cités plus haut. La population qui vivait dans la tranquillité et ne demandait qu'à y rester, est prise de panique, mais rien de positif n'est fait pour la rassurer; Un jour d'août 1956 une bande de trente H.L.L. s'installe enfin dans la région, portant la terreur des populations à son comble : un homme accusé de contacts fréquents avec les Français est découpé en morceaux, des impôts sont levés pour la première fois et quand une opération militaire est enfin lancée, elle tombe dans le vide. Les rebelles avaient marqué là un point décisif.

 

 

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J'arrive alors en octobre 1956, au début de la prise en main des populations  par les rebelles.

 

            Durant Octobre, Novembre et Décembre, la situation empire sans que nous ne puissions faire grand-chose par suite d'ordres supérieurs freinant à tort ou à raison les activités opérationnelles et surtout à cause de la démobilisation des rappelés et à l'incorporation de nouvelles recrues. A Noël 1956, les rebelles ont le contrôle absolu de toute la population qui n'a plus aucun contact avec nous. Dans chaque douar existe une infrastructure très complète de collecteurs de fonds, secrétaires, commissaires politiques, chefs de guetteurs….. Des réunions fréquentes ont lieu la nuit venue de bandes régulières en uniforme et relativement bien armées. Des sabotages se produisent : coupures de pistes, de poteaux télégraphiques, assassinats, incendies de fermes isolées. Des chaînes de guetteurs placées sur les hauteurs avertissent les rebelles du moindre de nos déplacements : ambiance désastreuses donc, nos agents de renseignement, devant notre inaction, se montrent de moins en moins, surtout quand l'un d'eux, découvert, est assassiné en décembre 1956.

 

            Une anecdote donnera une idée de la situation : le F.L.N. a pu se permettre, le 1er janvier 1957, de présenter ses vœux aux officiers de la Compagnie, par l'intermédiaire d'une feuille de papier griffonnée et placée dans la bouche d'un homme égorgé près du camp militaire, au cours de la nuit.

 

            Comment en 1957, en un peu moins d'un an, la situation a-t-elle pu être retournée aussi complètement, c'est ce que nous allons voir.

 

            On ne combat bien un ennemi que si on le connaît bien : nous nous sommes donc bien pénétrés des méthodes qu'il utilisait et qui ne sont rien d'autre que celles utilisées en Indochine ou tout autre pays où les communistes, de minoritaires, sont devenus majoritaires : il s'agit des méthodes de la guerre révolutionnaire.

 

            Initialement la minorité révolutionnaire est très faible face à un appareil gouvernemental qui apparaît pourvu de bons moyens. Tous les efforts rebelles vont donc tendre à détruire cet appareil gouvernemental pour construire leur propre système : différentes techniques sont simultanément mises en jeu, les unes destructives, les autres constructives.

 

            Dans ces premières techniques, on distingue celles qui visent à la dislocation du système social en place, par des grèves et du terrorisme visant à supprimer les personnes capables, par leur influence, de maintenir l'ordre (élites traditionnelles, médecins, instituteurs). Cette dislocation est renforcée grâce au sabotage et à la guérilla qui ne sont pas tant intéressants par les résultats tactiques obtenus (pertes infligées, armes récupérées), mais plutôt par l'effet moral qui en découle. Il se crée un climat d'insécurité qui oblige l'autorité en place à se recroqueviller autour de certains points défendables, ce qui achève de couper la masse de cette autorité. A tout moment une intense propagande combat les efforts faits pour rétablir l'ordre en les contredisant ou en les ridiculisant. En même temps, les techniques constructives interviennent : la masse amorphe et inerte à l'origine est organisée par la mise en place d'une infrastructure et par la répétition incessante, au cours de réunions, de certains slogans; les thèmes de propagande sont rabâchés jusqu'à ce qu'ils soient bien enregistrés. Si l'on regarde plus loin, on peut dire que les rebelles concentrent les instincts de défoulement de la masse de façon à leur faire atteindre une "masse critique" où ils exploseront et c'est lorsque tout est prêt qu'une révolution de masse chasse l'autorité légale. 

 

            Pour combattre une guerre révolutionnaire, il faut mener une guerre contre révolutionnaire où les moyens psychologiques ont une importance égale aux moyens militaires. Dans le cas présent la conduite à tenir fut définie de la façon suivante :

 


Si ce plan ambitieux a pratiquement réussi c'est que, il faut bien le dire, les rebelles n'ont jamais été aussi bien organisés en nombre et en armement que dans les Aurès, par exemple, quoiqu'ils aient monté quelques embuscades très meurtrières pour nous. Il y eut surtout une mise en commun de tous les moyens et de toutes les bonnes volontés alors que dans de nombreux cas, chacun se tire "dans les pattes" pour se faire attribuer la moindre ombre de succès.

 

            Un travail remarquable est entrepris, grâce à la cohésion et au désintéressement de : 

         -  L'Armée représentée par une compagnie d'infanterie soutenue par le haut Commandement et les services d'Action Psychologiques désirant faire de BREIRA une "expérience pilote"

         -  La Gendarmerie qui disposait, avant notre arrivée, d'un réseau de renseignements.

         -  La S.A.S.  (Section Administrative Spéciale), organisme mi militaire, mi civil, chargé de renforcer le quadrillage administratif trop lâche et possédant certains moyens matériels.

         -  Les autorités civiles (Sous Préfet) qui ont bien voulu abréger des formalités compliquées.

         -  La Direction des mines pour qui, évidemment, PAIX = PRODUCTION, mais dont le directeur parait sincèrement acquis aux réformes nouvelles.

         -  Enfin les civils Européens, pas tous car certains ne paraissent pas bien se rendre compte de la situation.


            Comment les choses se sont passées réellement ?...

 

            Janvier 1957 voit le début de la phase d'action militaire caractérisée par des séries d'opérations qui aboutissent, à la fin de ce mois, sur un renseignement, à un accrochage où est tué entre autre, un commissaire politique important. L'essentiel, dans l'affaire, est que ce commissaire revenait d'une réunion et portait sur lui toutes ses archives dans une musette. Son identité exacte n'a jamais pu être déterminée, il était étranger à la région et se faisait appeler SI HAMID, des lettres personnelles trouvées sur lui nous révélèrent un esprit cultivé.

 

            Du jour au lendemain, nous avions donc sur le papier l'infrastructure complète de tous les responsables statiques mis en place, ainsi que des renseignements précieux sur des bandes régulières. Un plan très complet du sabotage des mines est également découvert. L'exploitation de ces documents ne se fait pas attendre et en vingt quatre heures une trentaine de collecteurs de fonds, secrétaires ou chefs de guetteurs sont arrêtés. La rébellion reçoit donc un rude choc dans le douar. Pourtant, fin janvier, a lieu encore aux mines de BREIRA une grève ordonnée par le F.L.N., grève qui est totale les deux premiers jours. Une opération est alors montée, visant plus à faire une démonstration de force qu'à exercer des représailles. De vastes ratissages permettent de réunir une bonne fraction des ouvriers, qui, interrogés, se déclarent d'ailleurs unanimement malades. On tire devant eux au canon, sur des objectifs désignés à l'avance et l'impression est grande quand on déclare que cette précision peut, tout aussi bien, s'exercer sur leurs gourbis. La reprise du travail est immédiate et les gens commencent à se dire qu'il y a quelque chose de changé.

 

            Puisque la nature du terrain ne permet pas le stationnement prolongé des bandes, notre action consiste à faire des patrouilles continuelles de jour et de nuit, à les empêcher d'approcher, en profitant, nous-mêmes, pour acquérir une bonne connaissance de la région et aussi pour arrêter les suspects exerçant encore une influence de propagande rebelle.

 

            Ainsi, peu à peu, la masse du douar se trouve retirée, incomplètement d'ailleurs, du contact H.L.L. Les postes de guetteurs repérés par nous, se désorganisent. Pourtant, vers fin février, à une dizaine de kilomètres des mines, une embuscade a lieu contre un important convoi militaire : dans cette affaire une trentaine de Français trouvent la mort et toutes leurs armes sont récupérées par les H.L.L. aidés des populations environnantes, dont certaines de notre douar. L'opération militaire subséquente ôte, à ces populations, l'envie de tuer à nouveau des soldats français, d'où un nouveau choc psychologique répercuté dans toute la région.

 

            C'est alors que nous commençons la reprise en mains des populations, par des réunions aux mines de BREIRA où de nombreux discours de propagande sont prononcés, des promesses de distribution de vivres et de vêtements sont faites, à condition que le calme complet revienne. Obligation est faite de coller des tracts rédigés en français et en Arabe sur toutes les portes des gourbis. Ces mêmes tracts sont largués abondamment, au cours de toutes nos sorties, de façon à ce que l'on soit obligé d'en voir au moins un, où que l'on se trouve. Ces tracts étant tricolores, la présence de la France s'impose obligatoirement à l'esprit de tous. Puis, prudemment au début, les réunions de propagande voient des distributions de plus en plus importantes de blé, semoule, café, sucre, chocolat, biscuits, tabliers pour enfants. Le thème selon lequel "les rebelles sont incapables d'en faire autant" est évidemment exploité : l' ambiance se détend, pendant qu'une intense activité opérationnelle se maintient, accrochant aux limites du douar des rebelles qui essaient d'y revenir.

 

            Un évènement décisif vient faciliter les choses : Un commissaire politique rebelle, natif du douar et y ayant une très grande influence se rallie à nous après de nombreux contacts par l'intermédiaire des gosses, ceci vers fin mars 1957; c'est un homme remarquablement intelligent, nommé BELHAI Djelloul, ancien militant C.G.T. ayant quitté ce mouvement après son virage au communisme. Il parle bien le Français et tient le maquis depuis de nombreux mois. Au cours des nombreuses conversations que nous avons avec lui, il semble juger la France non pas sur ce qu'elle a fait en ALGERIE, mais sur ce qu'elle aurait dû y faire. Il critique l'instauration de la sécurité Sociale qui "favorise une natalité déjà débordante". Lui faisant remarquer qu'un régime démocratique avait déjà commencé à exister avec l'Assemblée Algérienne, sa réponse est que ce n'était "qu'une assemblée de porcs ne songeant qu'à s'engraisser". Lui demandant quel était l'idéal des fellaghas, il nous répond "qu'ils se battent parce que le peuple est trop malheureux et qu'ils espèrent un avenir meilleur", mais il reste muet quand nous lui faisons remarquer que c'est peut être ce que veut le rebelle moyen, mais certainement pas ses chefs. Enfin, au sujet des atrocités commises par les H.L.L., il nous dit en avoir discuté avec SI LAKHDARD (chef rebelle chargé du secteur) et ils estiment que ces H.L.L atteignent parfois les "limites de la barbarie".

 

            Evidemment il nous est impossible de tirer le moindre renseignement positif sur l'emplacement des bandes, ainsi que sur leur logistique. Conformément à nos promesses, nous lui faisons aucun mal et il n'est même pas emprisonné : jouant le jeu et 08---Ralliement.jpgséduit par nos idées, sur ce que devait être l'Algérie nouvelle, BELHAI nous sert même de traducteur pour nos discours.

 

            L'impression sur la population est profonde et l'on voit venir à nous plusieurs responsables que nous n'avions pu arrêter jusqu'ici, notamment un nommé BAGDADI Abdelkader, chef des guetteurs du douar (campagne de France, d'Italie, et d'Allemagne dans les tirailleurs, ouvrier spécialisé pendant sept ans chez Renault à  Billancourt). Il se plaint amèrement de toute la différence qu'il a constatée entre l'attitude des Français de Métropole et ceux d'Afrique du Nord : lui demandant ses impressions sur la guerre de 1939 – 1940 il nous jette : "Avec DALADIER comme Président du Conseil et GAMELIN comme Chef d'Etat Major, les Allemands sont entré à STRASBOURG et ne sont arrêtés qu'à MARSEILLE".

 

            Tous ces ralliés sont laissés en liberté, sauf ceux qui ont participé à des embuscades et qui, comme tous d'ailleurs viennent vers nous, sentant le vent tourner.

 

            Durant les mois d'avril – mai, notre action s'amplifie. L'ex commissaire politique s'avère bientôt une personne sincère que nous plaçons comme représentant du douar pour discuter de son avenir. Le service des soins gratuits, installé à cette époque 08---Pacification.jpgd'une façon rudimentaire, connaît de plus en plus de succès, soignant des dizaines de malades chaque jour (à noter l'attirance indicible des musulmans pour les "piqûres", la seringue leur parait être l'instrument magique de la thérapeutique des Français, valable  pour la guérison de tous les maux). Enfin les habitants viennent de plus en plus nombreux nous consulter pour régler leurs difficultés (papiers d'identité, mariage, disputes entre voisins, achat de terrain, etc.….). Toute chose qui réclame une patience infinie au milieu de ce peuple aimant à palabrer et dont les lois, tirées du Coran, se retransmettent oralement.

 

            Le contact était donc bien établi. Nous recrutons de plus une vingtaine de supplétifs, parmi les gens du douar, en principe tous anciens Tirailleurs, revenus dans leurs foyers. Un système de guetteurs, travaillant cette fois pour nous, est mis en place. Nous ne sommes pas dupes et savons bien que ce guetteur qui s'installe cette nuit à son poste, surveillait nos propres déplacements trois mois plutôt.

 

19---Ralliement-3.jpg            Le couronnement de tout ce travail a lieu le 12 juin 1957, jour qui voit un ralliement officiel et massif de tout le douar. Quatre à cinq mille Musulmans sont présents et le préfet d'ORLEANSVILLE ainsi que le Général, Commandant la Zone opérationnelle, viennent assister aux cérémonies. Une infrastructure amie est intronisée, on remet un fusil symbolique au chef des supplétifs, un ancien combattant reçoit une croix de guerre, enfin une école et une infirmerie sont inaugurées. L'Armée offre un couscous à tous les habitants, en leur achetant près d'une tonne de semoule et une quarantaine de moutons.

 

            Les mois de juillet et août sont consacrés à asseoir les nouvelles institutions, à savoir:

 

            La formation d'une Commune Musulmane indépendante est envisagée, ainsi que la construction d'un centre d'habitation près des mines. C'est alors que survient une chose pénible : le grand animateur et coordinateur de cette œuvre, le Capitaine 16---Ralliement.jpgPORTMANN, Officier de l'action psychologique, tombe dans une embuscade et est lâchement assassiné. C'était un homme d'action remarquable qui savait entraîner ses collaborateurs. Intrépide, il se déplaçait souvent seul dans sa voiture pour arriver plus vite sur les lieux de son travail, cette témérité a évidemment été mise à profit par les rebelles.

 

-   Le développement de nos projets marque un temps d'arrêt, ceux-ci redémarrent en Octobre sur les bases suivantes :

 

-   La création de la Commune Musulmane de BREIRA est imminente, les limites en  sont déterminées. Pour certaines fractions un vote est organisé pour demander aux  habitants de fixer leur choix entre la nouvelle commune et celle de FRANCIS GARNIER. Le Maire sera certainement notre ex commissaire politique, la construction d'une Mairie est donc proche.

           -   La construction d'un centre urbain n'est plus également, qu'une question de temps les services  de la reconstruction ayant déjà reconnu les terrains, des contacts ont été pris avec l'E.G.A. pour amener l'électricité.

           -   La construction d'une Ecole neuve "en dur" est commencé, grâce à l'aide de la Direction des Mines et à un crédit de la Préfecture. Cette école aura quatre classes et deux logements d'instituteurs. Signalons que depuis Octobre, fonctionne en plus, une classe de fillettes (les parents ont été très difficiles à convaincre de nous confier leurs petites filles).

           -    La construction d'un centre médico-social moderne est également engagée. Prévu pour loger un médecin civil, il doit posséder un appareil de radioscopie, les crédits sont fournis par la caisse de secours des mines sous la rubrique "hygiène du travail" et par la Préfecture.

                 -   Les emplacements d'une gendarmerie et d'une S.A.S. ont été reconnus sans que rien, sinon les plans, ait été décidé.

                 -   Enfin, la Direction des Mines pense à l'installation d'un Centre Professionnel pour la formation de mineurs compétents.

 

 

 

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L'ambiance est donc actuellement très détendue et lorsque nous sortons c'est à qui pourra nous offrir le café ou le thé.

 

Cependant le douar BENI HAOUA constitue un îlot au milieu de certains douars des environs, soumis encore, plus ou moins, aux influences rebelles. Ces trois derniers mois, par exemple, toutes nos opérations ont eu pour théâtre des zones extérieures où les accrochages sont fréquents. Les responsables H.L.L., doivent souffrir de voir la paix maintenue à BREIRA et ils essaient de reprendre des contacts avec les éléments douteux restés en place.

 

Il faut donc plus que jamais rester vigilant et conserver ce qui a été acquit, en essayant de pousser le plus loin possible et d'étendre au maximum le calme……


 

32---Pacification-15.jpgC'est ce que je souhaite à mes camarades que je quitte.

 

 

 


 

 

Décembre 1957.

 

Sous Lieutenant  ANTIKOW.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

A
<br /> pouvez vous me renseigner sur le site du 7 hussards ou le 19 RCC ou je me trouvais a l'epoque comme Mdl.Salut et respect aux anciens même si la mer nous sépare,<br /> <br /> <br />
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