TEMOIGNAGE DE Christian GERARD
Lettre témoignage de Christian GERARD.
Les Clayes s/s Bois le 20 janvier 1998
Cher Ami.
Oui cet article N° 355 de l’ancien d’Algérie, je l’ai envoyé le 9 janvier 1997 quarantième anniversaire de cette funeste journée. Le souvenir de cet évènement m’accompagne tout le temps dans les bons comme dans les moments difficiles, je relativise plus facilement, car mourir à 20 ans quoi de plus affreux, je pense à leurs parents, leur famille.
Chaque 9 janvier revient un « arrêt sur image », et quelles images. Je ne faisais pas partie du convoi, mais j’ai participé à l’opération pour aller à leur secours, en réalité pour aller chercher les blessés et les corps mutilés, déchiquetés, redescendre les véhicules calcinés.
Pourquoi seulement deux noms BONGARD et DRAUX sur 21 ou 22 morts ?...
Je suis obligé de faire un état des lieux du III/22 R.I. à cette époque, tout du moins ce que je me rappelle.
La CCAS. à NOVI petit village au bord de la mer à l’ouest de CHERCHELL.
Une unité à MARCEAU au sud de CHERCHELL environ 20 km.
Une unité à TIZI FRANCO, un piton avec une ferme désaffectée entre MARCEAU et
EL AFFROUN, région magnifique, boisée, montagneuse, que de la piste et bien sûr extrêmement dangereuse.
DRAUX avait fait ses classes avec moi à MAISON LAFFITTE au 3ème R.I.C. (56 1/B) BONGARD venait aussi de maison LAFFITTE d’une autre classe.
Nous sommes arrivés en ALGERIE le 7 novembre 1956 à FONTAINE DU GENIE à l’ouest d’ALGER.
DRAUX et BONGARD respectivement mitrailleurs 7/C2 et 12/7 de la CCAS de NOVI, section blindée d’appui, étaient en détachement à MARCEAU avec un half-track et relevés chaque quinzaine. Moi-même étant de cette section d’appui. Le reste de l’équipage (4 personnes) était prêté par l’unité de MARCEAU.
J’en arrive au jour de l’embuscade ;
Pour monter de MARCEAU à TIZI FRANCO, que de la piste. Un avion T6 venait à chaque convoi pour surveiller son cheminement, plus deux blindés, un half-track, et un 4/4 blindé ouvraient et fermaient le convoi, plus des GMC avec 2 sections à bord, plus une tourelle de mitrailleuses 12/7, et enfin une ouverture de piste assurée par les hommes de l’unité de TIZI FRANCO qui restaient sur place jusqu’au passage retour du convoi.
Ce 9 janvier 1957, mauvais temps, pas de possibilité d’obtenir un avion de la base de BLIDA, pas de 2ème blindé d’escorte (4/4), départ tardif du convoi (attente vaine de l’avion) décision de faire tout de même ce convoi (ravitaillement, courrier, munitions) car il n’avait pas eu lieu la semaine précédente, annulation volontaire car les menaces d’attaque pendant les fêtes de fin d’année avaient été reçues mi décembre.
L’aller s’est effectué normalement, une chance car il y avait de nombreux soldats (permissionnaires ou renforts) qui revenaient de France pour rejoindre la base de TIZI FRANCO, c’est sûr qu’ils sont passé sous le regard des fellaghas.
C’est au retour du convoi qu’a eu lieu l’embuscade, la piste a été coupée judicieusement, en plus le repli des hommes de l’unité de protection sur le terrain a commencé dés la mi parcours du convoi effectué (heure tardive, tombée de la nuit). Tout le convoi s’est petit à petit trouvé resserré à cause de la coupure de la piste et à l’abri d’écho de coups de feu, aussi bien de TIZI FRANCO que de MARCEAU. (analyse faite après coup )
Quand nous sommes arrivés sur les lieux, sous les lumières des fusées éclairantes le décor était dantesque, la plus grande partie de l’attaque a certainement eu lieu à la grenade, puis à l’arme blanche. Pratiquement plus d’arme sur le terrain. Plusieurs compagnies de parachutistes ont pris position pour une opération de plusieurs jours sans grands résultats d’ailleurs. Nous nous avions les corps à MARCEAU, les blessés ont été acheminés sur BLIDA et ALGER. Les corps après reconnaissance et « remise en état » mission effroyable (pas de mot assez fort pour définir l’horreur) ont été mis en bière.
La messe et l’enterrement eurent lieu à NOVI quelques jours après.
Christian GERARD.
TEMOIGNAGE DE Michel FETIVEAU
Le 09 janvier 1957, j’étais arrivé à TENES depuis à peine plus d' une semaine, et je déjeunais tous les jours au mess avec les officiers de l’Etat Major. A aucun moment, il ne fut question de cette embuscade, c’était le black-out complet pour maintenir sans doute le moral de la troupe. La grande muette n’avait pas usurpé son nom !....
Je n’ai eu connaissance de cet évènement que les premiers jours de janvier 1958, à ma libération. Lors des formalités d’embarquement du groupe dont j’étais responsable sur le port d’ALGER, je retrouvais les deux camarades qui avaient comme moi à la sortie de l’école de CHERCHELL, choisi le 22ème Régiment d’Infanterie. Nous avions un ordre de mission pour GOURAYA, où nous avons débarqués le 31 décembre 1956. L’ Etat Major et le Colonel n’étaient plus là depuis déjà quelques mois !...... Nous avons donc été reçu par un capitaine qui s’empressa de prévenir le Colonel de notre arrivé, le convoi était en effet parti, et comme il circulait un jour dans un sens et le lendemain dans l’autre, nous aurions deux jours de retard à notre arrivé à l’unité. Il nous fallu donc attendre le 02 janvier pour rejoindre TENES. Nous avons fait le réveillon du 1er janvier avec les officiers en poste à GOURAYA. C’est à cette occasion que le Capitaine nous informa que l’un d’entre nous serait affecté dans sa compagnie L’un de nous ayant une amie de cœur à GOURAYA, le choix de cette affectation fut vite arrêté. Cela malheureusement failli lui coûter la vie. Il devait en effet remplacer un sous lieutenant nommé Lieutenant, et promu à la tête d’une compagnie. Cette section était affectée à l’approvisionnement des unités en poste sur les pitons. Durant la première semaine ils travaillèrent en doublon, pour découvrir et mieux connaître les postes à desservir, et les difficultés des pistes qu’il fallait utiliser à l’aller comme au retour, car il n’y en avait qu’une seule. Ce 09 janvier 1957, il était donc dans la jeep avec le Sous Lieutenant, le chauffeur, et deux hommes en arme. Lors de l’embuscade, les véhicules se resserrèrent, et la jeep fut protégée par le G.M.C. qui la précédait. Mon camarade me signala qu’ils furent sauvés grâce à la rapide réaction du Sous Lieutenant, qui contre attaqua à la grenade sur les hauteurs qui surplombaient la piste. Ils se réfugièrent dans des éboulis et organisèrent leur défense. Le Sous Lieutenant était blessé à un genou, l’Aspirant, avait une balle dans le chargeur de sa MAT 49, et ne pouvait plus tirer, il eût toutes les peines du monde pour l'extraire et le remplacer. Bien organisés, ils firent face, et les H.L.L. ne leur donnèrent pas l’assaut. Quelques heures plus tard les renforts les rejoignirent. La blessure du Sous Lieutenant était grave, et il fût héliporté sur l’hôpital MAILLOT à ALGER, où il fut amputé. Sa carrière militaire était terminée. Quant à mon camarade, dont malheureusement je ne me souviens plus du nom, il assura durant toute l’année 1957 l’approvisionnement des pitons de son secteur, et ne croisa plus de Hors La Loi.
Michel FETIVEAU.
Témoignage de MARTIN Louis.
Le 09 janvier 1957 j’étais dans le convoi qui partait de MARCEAU pour approvisionner les pitons du 3ème Bataillon à TIZI FRANCO, et j’occupais avec un groupe le G.M.C de queue. Dès le début de l’embuscade, je sautais à terre avec quelques camarades et nous nous réfugions sous le G.M.C. La mitraille redoublait et frappait les tôles du véhicule, nous ne pouvions pratiquement pas riposter, il fallait donc très rapidement prendre une décision. Avec mes camarades nous décidons de fuir en direction de l’oued qui borde la piste. C’est en traversant cette dernière que je fus blessé au genou par une chevrotine. Tout en claudiquant je réussis à suivre mes camarades et à rejoindre le lit de l’oued, les balles sifflaient à nos oreilles ou frappaient le sol près de nous. Après de très longues minutes de fuite, nous fûmes protégés par un méandre de l’oued qui nous mettait à l’abri des tirs de nos poursuivants ; Un peu plus tard nous avons rejoint quelques camarades qui comme nous avaient fuit dans l’oued. Nous avons continué notre marche pour mettre le plus d’espace entre nous et nos poursuivants et nous avons rencontré les premières unités qui venaient à notre secours. Je fus immédiatement soigné par un infirmier, et quelque temps plus tard héliporté sur l’hôpital de MILIANA.
Malheureusement dans cette embuscade, j’ai perdu mon meilleur ami, le caporal chef Michel HY avec lequel j’avais fait mes classes en Allemagne, et le peloton de caporal à TENES et à POINTE ROUGE.
Aujourd’hui cette blessure se rappelle à mon souvenir et j’ai des difficultés pour monter ou descendre les escaliers.
Louis MARTIN.
TEMOIGNAGE D’UN NOVICIEN SUR L’EMBUSCADE DU 9 JANVIER 1957
J’étais enfant de cœur pour l’enterrement des 22 militaires du 22ème Régiment d’Infanterie tués à TIZI FRANCO. Je m’en rappelle encore avec émotion. Le soir de l’embuscade tout le village de NOVI s’était réuni dans notre petite église afin d’aller prier pour eux. Nous ne savions pas encore combien il y avait eu de tués. Le jour de l’enterrement à NOVI, je me rappelle bien toute cette cérémonie pleine d’émotion. Durant la période où les corps ont été enterrés à NOVI nous allions fleurir les tombes de ces soldats venus nous protéger et qui l’avait payé de leur vie. Depuis l’arrivé du 22ème Régiment d’Infanterie à NOVI, nous recevions le dimanche un militaire à notre table, et nous avions lié amitié avec deux d’entre eux du I/22 R.I. Je crois me souvenir qu’ils s’appelaient : TOTEL François de CLERMONT FERRAND et FAURE Emile du PUY EN VELAY. Je serai heureux de les retrouver. Ma mère qui aujourd’hui à 89 ans vit en France, notre cher village de NOVI fut évacué le 9 août 1962 par l’école militaire de CHERCHELL, son Général eût un blâme pour avoir sauvé 80 familles après l’indépendance de l’ALGERIE.
Paul Valencia.