LE PATROUILLEUR P 703 AU SECOURS
DES MARINS DU SEMAPHORE DU CAP TENES
Octobre 1957. J'embarquais à ORAN sur le P 703. Tout de suite, j'eus l'impression de connaître une autre Royale (c'est ainsi que, chez les professionnels de la mer, l'on nomme la marine nationale), celle des petits bateaux où le professionnalisme et le sens marin remplacent l'esprit militaire.
Le commandant était l'officier des équipages de 3ème classe GUILLAS, commandant qui m'apprit beaucoup de choses sur mon métier. L'officier en second était un "maître", le chef mécanicien et le timonier des "seconds maîtres". J'allais donc compléter ce petit état-major. Je mettais mon sac dans le "poste des bœufs" où, pendant plus d'un an, je rangerais mes affaires, prendrais mes repas (excellents) et dormirais.
J'allais ensuite me présenter au commandant, qui du reste m'attendait avec impatience car j'allais lui servir de secrétaire et devais avant toute chose taper à la machine son rapport de patrouille. "Si vous aimez naviguer, vous serez servi ! Ici on bouffe des milles en veux-tu en voilà. Mais venant de la Marchande, cela ne doit pas vous faire peur…." Comme préambule, c'était agréable. Question navigation, je dois dire que je fus servi !
Etant de quart dès l'appareillage, j'eus la surprise de constater que le pacha me faisait tout de suite confiance en me laissant la manœuvre du bateau, alors que nous avions tout juste quitté le quai et étions encore dans le port: "A vous le soin". Jamais telle chose ne se serait vue dans la "Marchande".
Notre base en patrouille était le petit port de TENES et notre secteur se tenait d'EL MARSA à CHERCHELL. En principe, nous devions patrouiller de nuit, mais chaque jour, au grand dam de l'équipage, le pacha faisait appareiller son navire dans la journée, afin que je puisse me familiariser avec la côte et toutes ses petites baies. Notamment la "Calle génoise" petite crique située en dessous du CAP TENES.
Dans la nuit du 11 novembre 1957, j'eus mon "baptême du feu". Le sémaphore situé sur le flanc du CAP TENES et tenu par six matelots et un maître timonier, fut attaqué par une forte bande de fellaghas. Malgré une très forte tempête, alors que le pacha avait même décidé de laisser son navire au port, le P 703 appareillait, entrait dans la Calle Génoise et grâce à sa puissance de feu, exterminait ou mettait en fuite les assaillants.
Et le combat cessa faute….. de munitions. De toute façon il ne restait plus de fellaghas sur le terrain. Je réalisais alors que notre action avait évité à sept malheureux marins de se faire égorger. Je compris également la lâcheté de "l'adversaire". Disons que pour une fois cela ne leur avait pas réussi !....
Commandant Pierre BUISSET.
Ce texte est extrait d'un article paru dans la revue La Voix du Combattant N° 1756.