LE 1er R.E.P. EN OPERATION DANS LE SECTEUR DE TENES.
Ce texte est extrait d'un article publié sur le site Internet du 1er R.E.P.
4 février 1959. Une fois de plus, il pleuvait. A torrent. Le 1er R.E.P. roulait sans arrêt. Indéfiniment, dans un paysage noyé. Il avait quitté ZERALDA dans la matinée en direction de l'ouest. Avec le calme des vieilles troupes, officiers, sous officiers, et légionnaires se laissaient transporter par les camions du lieutenant GORRY sans même chercher où on allait, cette fois ci, atterrir. Il y eu plusieurs contrordres dans la journée. Des feintes probablement. A minuit, les véhicules se rangèrent en formation sur un terrain vague, à l'ouest de TENES. Plutôt que d'installer les guitounes dans la boue, mieux valait attendre le jour dans les camions. On s'installa au mieux. Le régiment s'endormit. La première offensive CHALLE était commencée. C'était le jour J de l'opération "ORANIE"
Le secteur de TENES était un secteur "pourri". Le fellagha régnait et imposait sa loi. Il tenait la plage désertée de TENES sous son feu. Le ravitaillement du sémaphore ou l'armée de l'air avait installé un radio-phare se faisait par convoi protégé, voué aux embuscades. Il ne se trouvait pourtant qu'à six kilomètres de la ville! La route côtière était abandonnée, les ponts coupés. On ne l'empruntait qu'une fois par quinzaine pour ravitailler les villages de la côte : POINTE ROUGE, EL MARSA, LE GUELTA. On avait ensuite décidé de les ravitailler par la mer.
Les gendarmes, enfermés dans leurs casernes, ne cultivaient même plus leurs jardins. La route TENES – ORLEANSVILLE, cordon ombilical du secteur, restait péniblement ouverte. Les villages de l'intérieur étaient des villages assiégés. Les liaisons étaient longues, lentes et pénibles. Les jours passaient lentement. Les malheureuses unités implantées occupaient le plus clair de leur temps à assurer leur subsistance. Seul, le commando vietnamien, retrouvé avec joie par le régiment, maintenait un peu de présence militaire dans ce renoncement général. C'était un secteur d'ALGÉRIE parmi tant d'autres…. Ici régnait la katiba du terrible MENOUAR.
Le 1er R.E.P. avait eu affaire à lui quelques jours auparavant, le 27 janvier, alors qu'il participait sans conviction, dans l'OUARSENIS, à une opération qui semblait mal montée. A midi, le colonel BROTHIER avait appris par radio qu'un accrochage avait eu lieu loin de là, dans le secteur de TENES. Il avait demandé aussitôt l'autorisation d'intervenir et l'avait obtenue. Alors, avait commencé un véritable rallye.
Les compagnies se regroupèrent. Elles refirent à toute allure, en sens inverse, les kilomètres de montagne qui les séparaient de leurs camions. Les rames du GORRY étaient déjà prêtes à partir, tête tournée vers le nord. La compagnie CHIRON arriva la première. Elle embarqua et démarra. Il fallait faire vite. Toutes les consignes de sécurité furent levées. Plus de vitesse limite. Mille mètres de dénivelé en virages, soixante kilomètres à une rapidité folle. ORLEANSVILLE fut traversé en trombe. Jamais sans doute une unité du train ne prit autant de risques sur la route que ce jour là, la compagnie GORRY du G.T.507? Les conducteurs faisaient merveille. Ils savaient que le succès dépendait en grande partie de leur adresse au volant. D'ailleurs, que n'aurait-il pas fait pour leurs copains, les bérets verts ? Pendant que ceux-ci se bagarraient, ils veillaient sur leurs paquetages avec un soin jaloux? Et quand un légionnaire ne revenait pas du combat pour reprendre sa place dans le camion, c'était bien souvent eux, les petits gars de GORRY, qui versaient les premières larmes.
Les chefs de voiture étaient tendus. Les légionnaires, un peu inquiets, regardaient défiler les arbres sans dire un mot. Les camions stoppèrent enfin. Un cri se répercuta : "A terre".
Sur la route près de RABELAIS, les hélicoptères étaient là. Les hommes embarquèrent dans la foulée. La formation s'enleva et alla les déposer sur les hauteurs qui dominent le village de PAUL ROBERT et son vignoble réputé. A 17 heures, les deux premières compagnies héliportées qui, depuis le matin, avaient parcouru près de cent kilomètres en camions, une quinzaine à pieds et vingt cinq en hélicoptères, qui avaient grimpé jusqu'à la côte 1000 pour redescendre dans la plaine et se faire hisser sur la côte 900, entamaient leur mouvement. Presque aussitôt, elles accrochèrent.
La fatigue s"envola immédiatement. On retrouva la cadence. Quarante minute de lutte sèche et violente, une demi-heure de fouille de terrain. La nuit tomba sur le premier succès du R.E.P. dans le secteur de TENES. La katiba MENOUAR, le maître invincible et redouté de la région, laissait trente hommes et leur armement sur le terrain. La nouvelle se colporta à travers les djebels. Dans les villages tout le monde se réjouit. Les vignerons de PAUL ROBERT, en signe de reconnaissance, offrirent aux légionnaires parachutistes un tonneau de leur cru.
Le 1er R.E.P. retrouva donc MENOUAR le 14 février. Le sous groupement "lilas", commandé par VERGUET, eut la chance de le lever. CHIRON qui traversait une période particulièrement faste, en faisait partie. Là encore, la rapidité, le coup d'œil et la foudre des cadres du 1er R.E.P. firent merveille. Le compartiment de terrain était pourtant bien grand pour trois compagnies. La compagnie YSQUIERDO montait la vallée en venant de la mer. Devant elle, les fells s'enfuirent. Ils risquaient de passer entre les compagnies de CHIRON et de GLASSER qui tenaient les hauts, mais dont les effectifs ne permettaient pas de tenir toute la crête. Les rebelles marchaient justement en direction d'une série de petits cols non gardés. S'ils parvenaient à les franchir, ils pourraient basculer dans l'autre compartiment de terrain et disparaître.
"Allez-y" dit seulement CHIRON à son chef de section de tête, l'adjudant RENAUD.
RENAUD avait longtemps sollicité comme une faveur son affectation dans une compagnie de combat; Il avait longtemps rêvé d'ordres aussi simples, de situation aussi critiques. Depuis longtemps il voulait foncer. Il fonça. D'avion, on aurait pu voir les deux groupes ennemis se ruer l'un vers l'autre : la section RENAUD, dévalant la crête vers le premier col, la section fell grimpant à perdre haleine par le thalweg. Les adversaires s'entrechoquèrent comme deux vagues, dans le crépitement des balles et l'explosion des grenades. RENAUD, en tête, n'avait pas besoin d'exhorter ses légionnaires. Lui-même tomba de tout son long, bras en croix, transpercé, au milieu du col. Pour lui, c'était fini. Mais c'était aussi fini pour les fells. Aucun ne passa. Quand on fit les comptes on dénombra trente sept cadavres de rebelles, autant d'armes dont une mitrailleuse et deux fusils mitrailleurs. Mais on découvrit surtout le corps du chef redouté.
MENOUAR était mort. A quelques pas de lui, gisait un être étrange. Quand on ouvrit, pour l'identifier, ses habits de guerrier, on constata que des liens comprimaient sa poitrine. C'était la femme de MENOUAR qui s'était déguisée en homme pour mieux se battre.
NDLR. Tout en reconnaissant le courage et les résultats obtenus par le 1er R.E.P. je voudrais apporter les précisions suivantes : Les unités qui couvraient ce secteur, et en particulier le 22ème R.I., étaient disséminées sur tout le terrain en toute petites unités. Leurs missions étaient de quadriller le secteur, de regrouper et protéger les populations et de leur apporter des soins et de l'alphabétisation. De plus par le renseignement et une observation permanente de détecter l'ennemi et d'en informer l'état major du régiment afin d'engager des opérations d'envergure. Enfin, de monter des embuscades à proximité de leurs postes.
Il ne disposait pas comme le 1er R.E.P. ou le commando Vietnamien qui était en poste près de la plage de TENES, d'une grosse unité regroupée, qui permettait d'engager des opérations coup de poing. Il est vraisemblable que c'est sur une information d'une unité du secteur que fut engagé le 1er R.E.P. dans cette opération.