IL N’Y AVAIT PAS QUE DES HEROS EN ALGERIE
2ème Partie
Nous nous sommes sentis comme des orphelins abandonnés ! Pressentant se préparer un grand moment, je rageais de me sentir coincer dans un milieu hostile que je connaissais mal. C’est ce jour là que le général SALAN au cours de son intervention sur le balcon du Gouvernement Général (GG) lança un « Vive de Gaulle » ovationné par la foule agglutinée sur le forum. J’ai cru comprendre au cours du voyage retour que ce « Vive de gaulle » lui fut imposé par DELBECQUE et de SERIGNY contre l’avis de Madame SALAN qui tirait son général de mari par un bras en criant « Non Raoul n’y va pas, Non Raoul n’y va pas » mais les deux autres étaient plus costauds et Raoul y est allé ! Je n’ai jamais lu dans un des nombreux bouquins rangés dans ma bibliothèque cette version.
Nous revenions à Orléansville avec dans la serviette du général sa nomination aux fonctions de Commandant Civil et Militaire de la Zone Ouest de l’Algérois.
A peine étions nous arrivés en fin de soirée que « la miss » fut sortie de sa torpeur pour taper une lettre au Préfet Chevrier lui signifiant sa mise à disposition au général SALAN à ALGER. (j’ai malheureusement égaré ce courrier que j’avais gardé pendant de longues années) – Ce n’est que le lendemain que je fus chargé de remettre en main propre le pli au Préfet. Lorsque j’arrivais à la Préfecture le 17 Mai sur le tansad de la moto de Loulou LERAY le Général était en train d'haranguer la foule pour calmer les esprits surchauffés par la présence des CRS en grande tenue de « manif ».
«J'ai reçu du Général SALAN les pouvoirs civils et militaires pour le maintien de l'ordre. Je vous demande de me faire confiance et de m'obéir. En ce qui concerne Monsieur le Préfet, il va demain à ALGER se mettre à la disposition du Général SALAN. »
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Les manifestants furent satisfaits et pour bien marquer leur approbation ils s'emparèrent de GRACIEUX pour le déposer sur des épaules solides : il était hilare. Je profitais de ce moment pour pénétrer dans le hall de la préfecture sous la protection des Colonels MOREL et Le PORZ qui connaissaient l’objet de ma présence. Il fallut que j'escalade des chaises et des meubles passablement esquintés qui jonchaient le sol. Un commandant qui me reconnut m'aida à franchir quelques barrages de CRS qui était là pour protéger leur patron. Enfin je pus accéder au bureau du Préfet CHEVRIER. C'était l'affolement, les autorités civiles présentes étaient vertes et le représentant de l'état très en colère, il cherchait son Chef de Cabinet et son épouse. Dès qu'il m'a vu il s'est précipité sur moi et m'a arraché des mains la précieuse correspondance. Je me suis tourné vers mon cicérone pour qu'il me signe un document pour me décharger, mais au lieu de se dépêcher il prenait tout son temps, il cherchait un stylo, ce qui permis au Préfet de lire le courrier. Quel sale temps ! J'ai cru qu'il allait tout casser. Il hurlait en me regardant comme si j'étais responsable de la situation, en clair, il m’engueulait ! Je n'en menais pas large et il criait tellement que je ne comprenais rien à ses vociférations, je n'avais qu'une idée en tête : me sauver. Ce que je fis à toute allure dès que j'eus récupéré la décharge. Lorsque mon motard Loulou me vit arriver il me demanda si j'allais bien, il paraît que j'étais plutôt pâlot. Mes mains et mes jambes étaient atteintes d'un tremblement qui dura jusqu'à notre retour au bureau. Il y eut ensuite des échanges de courriers désagréables !! (voir en annexe)
Convoqué par le général Salan auquel ont été confiés par le gouvernement Pflimlin les pouvoirs civils et militaires pour le maintien de l’ordre en Algérie, Raymond Chevrier se rend à Alger le 18 mai 1958. Avant d’avoir été reçu par le général Salan, il est arrêté, conduit au P.C. du secteur d’Alger Sahel et mis au secret. Il est assigné à résidence à Aïn Taya, sur la côte algéroise, à une vingtaine de kilomètres d’Alger. Le 3 juin, Raymond Chevrier, toujours assigné à résidence, écrit au général Salan une lettre de quatre pages dans laquelle il justifie ses prises de position et demande au général Salan de lui permettre de rejoindre la métropole.
Dans le rapport du 9 juin 1958 au général de Gaulle, président du Conseil, le général Salan justifie la mesure prise à l’égard de Raymond Chevrier en ces termes : « Attitude rigide et maladroite ne reconnaissant pas la délégation de pouvoirs donnés au général Salan. Attitude maladroite vis à vis des Comités de Salut Public, refusant tout contact et ordonnant aux sous-préfets de ne pas les recevoir », avec comme commentaire : « A été dirigé sur la métropole, remis à la disposition du ministre de l’Intérieur. A été remplacé provisoirement par le général Gracieux qui a délégué à M. Rouaze, secrétaire général de la Préfecture, les pouvoirs nécessaires à l’administration du département. » (extraits du site « les amis du général salan »)
Préfet de l’Allier en 1959, il est placé en position hors cadre en 1963 et en congé spécial en 1964 ; il est à la retraite en 1969. De 1966 à sa mort, en 1976, il est administrateur ou directeur de diverses sociétés financières, immobilières ou d’économie mixte. Raymond Chevrier est l’auteur de plusieurs ouvrages
Le 27 Mai le Président du Conseil Pierre PFIMLIN démissionnait.
A la fin du mois, le 28 ou le 29 le moral dans l’entourage de GRACIEUX n’était pas au beau fixe. Un de ses meilleurs amis le lieutenant-colonel JEANPIERRE, patron du 1er Régiment étranger parachutiste, s’était fait tué dans un hélicoptère par le FLN alors qu’il survolait une opération dans le Djebel MERMERA (CONSTANTINOIS). J’appris qu’il avait été blessé dans la casbah pendant la bataille d’Alger en 1957. Il avait succédé au colonel BROTHIER au 1er REP et c’est ce dernier qui prit les rênes du régiment en catastrophe pour le remplacer.
Au cours des mois de Mai et Juin 58 une autre activité vint enrichir mon emploi du temps. Nous étions envahis par des journalistes. Après leur entretien avec les patrons je devais les balader dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour d’Orléansville. J’aimais bien cette occupation, elle me permettait de prendre l’air et de découvrir des endroits que je ne connaissais pas. J’utilisais une voiture du cabinet ou bien la Panhard aux deux bleus de HEUX dont les pneus étaient en très mauvais état. Et, un jour alors que mon passager (Paris-Match) était pressé, ce fut le pneu arrière droit qui rendit l’âme, j’envisageais d’aller chercher du « secours » dans un poste situé à 200 mètres mais j’étais tombé sur un as du démontage car en moins de temps qu’il faut pour le dire la roue de secours avait remplacé la roue défaillante. Il n’était pas très content de s’être sali les mains !
Il ne se passait pas une semaine sans que nous ayons des visites importantes et à chaque fois c’était le branle bas de combat dans l’Etat-major et à la popotte. Nous eûmes le Général Paul ELY Chef d’Etat-major des Forces Armées, cette visite me laissa un mauvais souvenir. Je venais d’acheter le fameux appareil Focca-Sport II, en vente dans toutes les casernes, et GRACIEUX me demanda de faire des photos de l’illustre personnage pendant sa tournée. Hélas j’étais un photographe débutant et il n’y en eut que deux ou trois d’acceptables, j’étais très vexé. Heureusement il y avait un photographe professionnel dans le sillage du visiteur.
Nous eûmes les visites de SALAN, ALLARD ,MASSU, Robert BURON Ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme qui était venu inaugurer la piste « Lamartine-Mechta Bel-Has » (47 kms) en Août 58, ( il était rentré tellement crotté à Orléansville que je fus chargé de lui trouver un pantalon de rechange !) et puis Georges BIDAULT qui avait été pressenti par le Président COTY pour succéder à Félix GAILLARD mais son parti, le MRP, ne lui ayant pas accordé son soutien, il apporta le sien au général de GAULLE. Ce qu’il regretta plus tard ! Le Commandant MAHDI du Comité de Salut Public d’Alger vint également nous visiter.
Le 22 Juin le Colonel GOIRAN m’annonça que le général avait nommé le Colonel LE PORZ Directeur du cabinet civil à la Préfecture, il avait aussi été désigné Président du Comité de Salut Public Départemental, charge qu’il partageait avec le bachaga BOUALEM. Un mois plus tard ce fut mon tour d’être installé dans un bureau de la « Préf ». C’est ainsi que je me retrouvais au service de la réforme agraire. J’étais devenu fonctionnaire ! Horaire : 7 heures, midi – 16 heures, 18 heures30. Mon travail consistait a comptabiliser les veaux, les vaches, les cochons, les friches ( !!!!), les orangeraies, les champs de céréales, enfin tout ce qui ressemble à de l’agriculture. Le personnel était sympa et m’avait adopté assez vite. Toutefois personne n’était dupe et je sais qu’on me surnommait «Mata Hari ». C’était un peu, très vrai, car je devais passer le soir chez le Colonel GOIRAN pour lui brosser le portrait du moral et l’état d’esprit des civils que je côtoyais dans la journée. Cette aventure préfectorale ne dura que trois semaines et je fus bien content de retrouver mon bureau au PC.
Dans la continuité du bouillonnement de Mai et Juin, le 14 juillet 1958 fut grandiose. Le matin visite chez les paras du Commando GUILLAUME à MOUAFEKIA, l’aérodrome d’ ORLEANSVILLE. J.GRACIEUX ne put résister au plaisir de se payer un petit saut en parachute qu’il effectua avec le Commandant CHAUME, un béret vert de la 11ème demi-brigade de parachutiste de choc. Succès assuré ! Une ovation salua l’arrivée sur le plancher des vaches des deux « vétérans » heureux comme des gosses. A midi nous fûmes une demi-douzaine à être invités à déjeuner au mess dans une petite pièce contiguë à la cuisine où officiait une brigade de cuisiniers experts ! Les « patrons » se réconfortaient avec le même menu dans une autre pièce. Lorsque nous sortîmes au grand jour nous avions un peu chaud aux oreilles, le « Mascara » blanc et rouge avait laissé des traces. Avant le défilé de 16 heures une petite sieste s’imposait !
Après avoir salué les troupes qui transpiraient à grosse gouttes sous les casques lourds, GRACIEUX imagina une ballade en voitures dans la ville et les faubourgs. Il ouvrait le convoi au volant de la 403 toutes étoiles dehors avec à son bord les colonels LE PORZ et MOREL ainsi que le chauffeur PIATIER confortablement installé à l’arrière, suivait la 203 de GOIRAN avec le Capitaine de LESTANG et le 2ème classe BRUN ( !) placé à côté du chauffeur FOURNIER, et enfin la voiture du Colonel CECCALDI devenu Chef d’Etat-Major avec je ne sais plus qui. Le cortège escorté par des motards traversa l’agglomération sous les vivats et les bravos d’une foule mêlée de pieds noirs et d’algériens (FSNA – Français de souche nord-africaine, comme on disait à l’époque dans les rapports). J’étais heureux et je profitais pleinement de l’instant. Le jeune banlieusard découvrait un monde et c’est peut être ce moment qui lui donna des idées plus tard !
Le soir avec mon copain PIATIER nous rejoignîmes les paras du commando GUILLAUME au bal où nous avons plus bu que danser. Pour rentrer sous le coup de deux heures du matin il fallut ruser pour échapper à la vigilance de la Police Militaire.
Pour un beau 14 Juillet, ce fut un beau 14 juillet !
Au début du mois d’août une bonne nouvelle arrivait dans les casernes : la solde des ADL (maintenus au-delà de la durée légale) allait être augmentée avec un effet rétroactif à partir du 1er Mai. Cela concernait le personnel maintenu sous les drapeaux au-delà de 24 mois. 13.000 francs soit 198 euros en pouvoir d’achat 2005 pour les 2ème classe et 45.000 francs soit 688 euros pour les sergents. Je n’étais pas concerné avec mes 19 petits mois, je ne savais pas qu’il me restait 9 mois à tirer. Autre mesure, les régiments opérationnels toucheront une prime de bivouac et enfin les permissionnaires seront transportés gratuitement jusqu’à leur destination. De Gaulle Président du Conseil depuis le 1er Juin soignait sa popularité !
Le mois de septembre fut principalement consacré à l’organisation du référendum sur l’adoption de la constitution qui eut lieu le 28. C’est à nouveau l’effervescence avec les visites de journalistes français et étrangers ainsi que des hommes politiques (G.BIDAULT encore lui, et bien d’autres). Le jour venu, le capitaine HEUX étant à ALGER m’avait installé dans son bureau et je n’en finissais pas d’introduire chez GRACIEUX, le Maire, le Président de la délégation spéciale ou bien le Président du Comité de Salut Public. Les officiers de l’état-major et d’ailleurs étaient mobilisés pour tenter de faire respecter l’ordre à l’entrée des bureaux de vote. Tout le monde voulait voter ! Au moment de passer devant l’urne les préposés au bureau s’apercevaient que beaucoup n’étaient pas inscrits sur les listes. En effet au moment des inscriptions le FLN avait tellement apeuré les populations que celles-ci n’avaient pas osées faire la démarche nécessaire. Mais le jour du scrutin les militaires avaient mis le paquet pour assurer la protection, ce qui avait considérablement encouragé les arabes à voter. La loi prévoyait que les retardataires pouvaient se faire inscrire sur décision du juge de paix de la ville. Ca marchait assez bien dans beaucoup d’endroits, manque de pot celui d’ORLEANSVILLE était plutôt réfractaire à cette mesure, il a fallu que la Délégation Générale du Gouvernement lui en donne l’ordre ! L’heure de clôture du scrutin et celui du couvre-feu furent repoussés mais beaucoup furent découragés par la longueur des files d’attente et rentrèrent à la maison.
Les « OUI » obtinrent un score à la soviétique : 98,4% ! L’ensemble du peuple français vota « OUI » à 85,14% et la métropole à 79,25% - seule la Guinée vota « NON »
C’est la visite de de GAULLE qui m’a laissé le souvenir le plus précis. Cela se passait le 2 octobre, la veille du fameux discours de CONSTANTINE qui détaillait le plan de développement de l’Algérie dit « PLAN DE CONSTANTINE », il était Président du Conseil depuis le 1er Juin. Tout le gratin du département était arrivé la veille dans l’espoir de l’approcher, de lui parler. Certes il y eut un meeting grandiose mais le moment le plus important, le plus confidentiel, se tint au mess des officiers. Il y avait le ministre des armées, Pierre GUILLAUMAT, le secrétaire général aux affaires algériennes, René BROUILLET, le général MARTIN, chef d’Etat-major particulier de de GAULLE, le général SALAN et son chef d’ Etat-major le Général DULAC (c’était lui que SALAN envoya à la Boisserie le 29 mai pour rendre compte de la situation en ALGERIE), le Général ALLARD, le Général MASSU, le fameux colonel BONNEVAL aide de camp, les 6 colonels, commandants de secteurs et les 6 sous-préfets (il n’y avait pas de préfet, il avait été viré en mai) et puis bien sûr les officiers de l’état-major de GRACIEUX et enfin un auditeur qui n’était pas invité mais qui avait réussi à se faire tout petit et se planquait derrière une plante verte , le secrétaire de 2ème classe Michel BRUN. C’est Jean GRACIEUX qui ouvrit le bal en exposant la situation dans la ZONE . Apparemment de GAULLE ne prêtait pas vraiment attention à l’exposé de mon patron, il était plus intéressé par les pales du ventilateur qui tournait au dessus de sa tête. BONNEVAL pensa qu’il était gêné par le souffle et faisait des grands gestes pour qu’on arrête le ventilo. Manque de pot l’interrupteur était justement à côté de moi et il fallut bien que je me révèle pour arrêter l’engin. Mais, pas du tout, le grand homme voulait de l’air au contraire et il fit signe, l’air courroucé, à BONNEVAL de remettre le ventilateur en marche ! Ce que je fis prestement !!! Ce fut une scène grotesque et j’eus l’impression que tout le monde me regardait ce qui était faux, car HEUX reconnu plus tard, qu’il n’avait pas remarqué ma présence en me traitant d’espion !
GRACIEUX, qui n’était pas vraiment un orateur, finit tant bien que mal son speech et le tour des questions arriva. A la 3ème ou 4ème interrogation l’homme dont j’étais si fier perdit un peu les pédales et là j’assistais à une scène irréelle.
SALAN, ALLARD, et MASSU voulurent venir à l’aide de leur ami mais ils parlaient tous les trois à la fois et c’était incompréhensible. Alors, de GAULLE fit un signe de la main un tantinet dédaigneux accompagné d’un « pschitt » autoritaire à SALAN puis à MASSU pour qu’ils se taisent et de l’autre main se tournant vers ALLARD il lui dit : « ALLARD, je vous écoute ». J’étais choqué par ce manque de courtoisie, de respect. Enfin, de GAULLE c’était de GAULLE !!!
Dès que tout fut terminé ce fut la ruée vers le buffet et surtout vers les boissons. Chacun espérait être présenté au « grand homme » mais l’instant de récréation fut court car il fallait se diriger vers la grande place d’Orléansville où une foule énorme attendait, « bercée » par de la musique militaire et l’air du film « le pont de la rivière kwaï », devant une estrade montée très haut afin que le général fut vu de tout le monde.
Son apparition provoqua un indescriptible mouvement de foule accompagné d’innombrable « Vive de Gaulle ». Le discours ne fut pas très long et il se termina par de vibrants « vive l’Algérie française » « vive la France ». Trois ans plus tard les algérois sur leurs barricades avaient compris à leur tour que ce n’était plus à l’ordre du jour. La place se vida comme par enchantement, les camions remplis de braves paysans braillards reprirent la route de TENES, CHERCHELL, DUPERRE , TENIET EL HAAD et MILIANA –
Les hélicoptères et un DC3, riches de leurs précieuses cargaisons de galonnés, d’étoilés et de journalistes disparurent très vite derrière les montagnes et la ville retrouva son calme. Quelques « traignaux », comme on dit en beaujolais, se retrouvèrent au mess pour siroter quelques bières bien méritées. Il n’y eut aucune allusion à la prestation moyenne de Jean GRACIEUX, mais il avait sa mine des mauvais jours, il était renfrogné et ne portait qu’un intérêt moyen aux conversations animées tenues autour de lui.
Courant Octobre les militaires ne sont pas mécontents « d’être démissionnés » des Comités de Salut Public. Ce n’était pas leur job et ils n’étaient pas vraiment à l’aise dans le milieu de civils qui ne pensaient qu’à leur futur statut de député. Dans le département de véritables personnalités surent tirer leur épingle du jeu. Il y en avait surtout deux qui se détachaient du lot : le bachaga BOUALEM et Etienne ARNULF de DUPERRE né à FLATTERS (entre ORLEANSVILLE et TENES) le 11 mars 1920, décédé en métropole la 4 juillet 1973
BOUALEM Benaïssa Saïd : Bâchaga
Né 2 octobre 1906 à Souk-Ahras(Bône) ancien officier d'active (capitaine ), ancien caïd des services civils : Bâchaga. Il est le prototype des Chefs traditionnels sur lequel se basait la pacification de l'Algérie, depuis 1830
Soldat, Officier, il participe à la campagne de 39/40 puis est nommé Caïd, puis Bachaga dans le fief des Beni Boudouane, dans les montagnes de l' Ouarsenis, auprès d'un minuscule centre nommé Lamartine, dont il était le maire.
Le premier a avoir organisé une harka de supplétifs musulmans dans les Beni-Boudiane pour défendre le territoire (Orléanvillois) pour lutter contre le F.L.N. qui essayait d'étendre la rebellion (dont le succès est nul)
21.07.1956 : son frère est assassiné par le F.L.N
28.11.1958 : un de ses fils est assassiné
26.10.1958 : il obtient le ralliement des Beni Felkai, près de chez lui
30.11.1958 Elu député gaulliste (U.N.R) d'Orléansville.
08.12.1958 : Il est élu Vice-Président de l'Assemblée, poste qu'il occupe avec panache, toujours en costume traditionnel
23.04.1959 : Réélu maire de Lamartine. 20.091959 : quitte l'U.N.R (Gaulliste) et rejoint le groupe unité de la République animé par Soustelle.
10.04.1960 : un autre de ses fils, un de ses gendres ont été assassinés.
Commandeur de la légion d'Honneur, croix de guerre 39-45(3 citations), croix de la valeur militaire (2 citations), croix du combattant, officier du Nichan Iftikhar, etc.., vice-président de l'assemblée nationale a dirigé les débats jusqu'au dernier moment, jusqu'à ce que les députés d'Algérie soient destitués de leurs mandats après le référendum gaullien.(extrait de geneawiki)
Je les ai bien connus tous les deux et ils me firent le plaisir de m’inviter au restaurant de l’Assemblée Nationale qui se tenait à l’époque rue Aristide Briand, petite rue qui va de la Place du Palais Bourbon à la Seine, l’immeuble de la rue de l’Université n’était pas encore construit. Au menu il y avait un superbe couscous. Le premier de ses fils assassiné était ABDELKADER, grand copain de DORCHNER, j’ai donc eu plusieurs fois l’occasion d’aller à LAMARTINE et d’y boire le thé servi par le Bachaga, les femmes ne devaient pas apparaître. Devant son père ABDELKADER buvait du thé, mais nous trinquions avec des canettes de bière, lorsque l’ancien n’était pas dans les parages !
Fin Octobre , en discutant avec le colonel GOIRAN, il me fit remarquer qu’il lui semblait que j’accusais physiquement le coup après les mois mouvementés que nous venions de vivre, j’avais effectivement beaucoup maigri, il suggéra une permission en Métropole. Je lui rappelais que je n’étais en AFN que depuis début mars et que je ne pouvais prétendre à une perm’ de 8 jours. Il prit l’engagement d’établir une ‘vraie-fausse » permission, à moi de me débrouiller pour le transport. Facile ! Mon copain MENU toujours présent au bureau des transports au Corps d’Armée m’envoya un titre de transport AGER-ORLY aller-retour moyennant la somme de 7500 francs soit en valeur 2005, 108 euros. J’avais les sous, tout fut réglé rapidement, je m’envolais à bord d’un DC 4 Super Constellation (SUPER G) le 8 novembre. C’était mon premier voyage en avion, j’ai ainsi pu passer mon 22ème anniversaire à la maison. Je n’avais pas prévenu mes parents et se sont nos amis TRIQUET qui vinrent me chercher à ORLY. Le retour s’effectua dans un modeste DC 4 au milieu d’un orage mémorable. Décidément j’étais marqué par le destin pour traverser la grande bleue au milieu des éléments déchaînés ! Ce petit séjour chez mes parents me requinqua et c’est avec plaisir que j’avais retrouvé la cuisine familiale et…………..mon lit !
A mon retour à ORLEANSVILLE, Madame GUILLE me réserva un accueil triomphal, c’était le retour de l’enfant prodigue ! Ce n’était qu’une occasion de plus pour faire la fête !!!
C’est à ce moment qu’elle nous appris son mariage et qu’elle était maintenant Comtesse de SAILLY ! Nous étions tous un peu déconcertés d’autant que l’évènement avait eu lieu en juillet. Le secret avait été bien gardé et nous en voulions un peu à ce Monsieur de SAILLY qui allait certainement nous priver de la présence de notre idole ! J’ai eu l’occasion de le rencontrer une fois, il ressemblait étrangement au capitaine HEUX. Cette union restera pour moi un mystère que je n’ai jamais cherché à percer. En janvier 1960 je recevais une lettre qu’elle signait « Simone de Sailly », elle me faisait part de sa lassitude vis-à-vis d’un métier qu’elle n’aimait plus, elle vivait à ALGER en spectatrice et se reposait. La conclusion de sa lettre en ajoutait un peu plus au mystère de son mariage. « Si Dieu le veut, après un repos, pendant lequel je n’écris pas mes mémoires, j’essaierai de recommencer quelque chose de neuf, de pur, de bien avec Pierre H.HEUX. » C’est ce qu’elle fit.
Lorsque nous devions passer une nuit à ALGER nous déposions le général Rue Meissonnier et nous trouvions l’hospitalité à l’antenne des Troupes Aéroportées du Général GILLES : on ne dormait pas beaucoup !
C’était l’époque des « Hula-hoop » qui tournaient autour des tailles, la championne incontestable était notre assistante sociale préférée ! Elle en faisait tourner trois à la fois. Le plus imaginatif ( !) était Jean GRACIEUX qui le faisait tourner autour de son cou au grand désespoir du sévère Colonel LE PORZ qui préférait tourner la tête pour ne pas voir son patron faire le clown !
J’étais privé d’exercice car un méchant kyste qui s’était installé sur le coup de pied droit avait dû être éliminé à coup de bistouri le 22 décembre. Ce fut fait en catimini par un jeune chirurgien, copain de HEUX, car j’étais trop prêt de la quille, (on croyait mais elle ne fut là que trois mois et demi après !) j’aurais dû attendre ma libération pour être opéré dans le civil. Ben oui quoi, ça fait des frais !!! Ce fut un secret de polichinelle car bientôt tout le cabinet savait que j’étais planqué dans une chambre de la popote du Général. Toute la journée c’était un véritable défilé de galonnés ou de copains qui venaient prendre de mes nouvelles, on me gavait de Makrout aux amandes, de cornes de gazelles, de baklaoua ou autres délicieuses pâtisseries algériennes. Au bout de quelques jours il fallut retirer les fils, cela se passa dans une salle de soin où attendait un gars sur un billard. Il était salement touché, son mollet avait été emporté par une décharge de chevrotines. Il plaisantait, il n’arrêtait pas de parler et au lieu de regarder le scialytique au dessus de ma tête j’ai voulu regarder son mollet qu’un infirmier préparait pour être opéré et……….je suis tombé dans les pommes. J’ai été réveillé à coups de paires de claques généreusement distribuées par un infirmier malabar. J’ai été copieusement mis en boite, le blessé était mort de rire : « t’en fais pas, c’est rien, je vais être rapatrié et pour moi la galère n’aura duré que 6 mois !!! ». Oui c’est vrai il a été rapatrié mais dans quel état !
C’est à la fin décembre que nous avons eu droit à un mini tremblement de terre, c’était un Dimanche matin, il n’y eut aucun dégât, nous n’avons ressenti qu’une grande trouille. On m’a rapporté que le curé qui était en pleine messe adjurait ses ouailles de ne pas partir, ils étaient dans la maison de Dieu donc….ils ne risquaient rien.
Début janvier 1959, la mauvaise nouvelle arriva. Le Général MASSU avait quitté le commandement de la 10ème DP et était devenu Commandant du Corps d’Armée d’ALGER en décembre 58. C’est Jean GRACIEUX qui prenait le Commandement de la 10ème DP à partir du 1er Février. Il emmenait dans ses bagages HEUX, CECCALDI et deux ou trois autres officiers de la 9ème DI. Je devais faire partie du « convoi » avec Loulou LERAY mais je devais être libéré assez vite (croyais-t-on) et ma mutation n’était pas possible. Son remplaçant à ORLEANSVILLE fut le Général du PASSAGE. Ce n’était pas du tout le même style, je ne l’ai pas beaucoup connu, j’étais devenu un peu tire au flanc.
Le départ de GRACIEUX se fit en douceur. Après une permission d’une quinzaine de jours en Métropole, il s’installa dans la zone avec sa division pour diriger une opération de grande envergure, il débarquait souvent au PC de la 9ème pour faire le point et moi j’en profitais pour faire le « porte-sac » entre le PC opérationnel dans l’OUARSENIS et ORLEANSVILLE. J’avais crée un nouveau poste et personne n’y trouvait à redire d’autant plus que mon remplaçant était arrivé, pour une fois le bureau des effectifs avait été plus vite que la musique
Février fut riche en évènement.
Le nouveau Ministre de l’Information, Roger FREY (futur Président du Conseil Constitutionnel) nous rendit visite. J’en garde le souvenir d’un homme distingué et courtois. Toutefois il n’a pas laissé que des bons souvenirs lors de son long passage au ministère de l’intérieur, son préfet de police non plus : c’était PAPON !
Le colonel BROTHIER, passa à ORLEANSVILLE à cette époque. BROTHIER succéda au commandement du 1er REP au Colonel JEANPIERRE, de 56 à 57 puis laissa la place à nouveau au colonel JEANPIERRE de 57 au 29 mai 1958 pour retourner dès le 1er juin aux commandes du régiment jusqu’en 1959 pour la raison que l’on sait. Ce n’était pas vraiment une visite de courtoisie, j’ai cru comprendre qu’il venait râler auprès de GRACIEUX sur la tournure que prenait l’opération en cours dans l’OUARSENIS.
Le 10 février le FLN fait exploser une bombe à la poste – bilan : 1 mort, 17 blessés, le lendemain c’est une grenade qui est jetée dans le grand garage d’ORLEANSVILLE des dégâts bien sûr mais pas de blessé. Le couvre feu est institué et nous n’avons plus le droit de sortir seul en ville
Le Général du PASSAGE débarque le 18 février très discrètement, apparemment il avait l’air étonné de se retrouver dans un milieu qui lui paraissait hostile, je n’ai jamais su d’où il venait et quel fut son parcours après, il me semble me souvenir qu’il appartenait à l’ABC avec tout ce que cela comporte de rigidité ( ?) et le gilet de couleur.
Le 20 février visite du Général MASSU et du Préfet CHAPEL ;
Le 27 février cérémonie de passation des pouvoirs entre le général GRACIEUX et le général du PASSAGE. Le « tout ALGER » est présent ainsi qu’un détachement des régiments de la 9ème DI, ça fait du beau monde !
Le général m’emmena à MOLIERE pas très loin de BOU CAID en jeep sous une forte pluie, c’est lui qui conduisait (comme d’hab !) et il n’a jamais voulu mettre la bâche. J’étais assis derrière lui et avec mon voisin (je ne sais plus qui) nous nous amusions de voir les gouttes d’eau dégouliner du lobe de ses oreilles. On s’amuse comme on peut ! Je ne regrettais pas d’avoir mis ce jour là un casque . Pendant l’ascension j’étais intrigué par l’attitude d’un gars couché sur l’aile gauche du camion qui nous précédait. Mon voisin m’expliqua que c’était un personnage précieux car mieux qu’une « poêle à frire » (détecteur de métaux) il relevait la moindre anomalie sur la route qui pouvait laisser supposer la présence d’une mine. Il fit stopper le convoi deux fois, ce furent deux fausses alertes mais pendant qu’il était à plat ventre au milieu de la route occupé à gratter la terre, je n’en menais pas large.
Cela me rappelle une histoire qui fit le tour de la popote :
« Par téléphone, un officier d’Etat-Major demandait au Colonel de ne pas oublier les « poêles à frire » - N…Non, nous prendrons des rations ! »
Le Colonel MOREL, d’ordinaire assez froid et distant avait bien compris lui aussi, que je pouvais être plus utile ailleurs qu’à ORLEANSVILLE, c’est ainsi qu’il me proposa une visite à AIN SOUR, petite bourgade située au-dessus de MILIANA dans les Monts du ZACCAR. Quel paysage ! C’était un endroit pas très fréquentable mais la beauté des lieux faisait oublier un éventuel danger. Faut dire qu’avec MOREL nous n’étions pas seuls, il y avait du monde derrière et devant.
Le Colonel ESTEULLE, dont je ne me souviens pas exactement les fonctions, était un homme, calme, posé, d’une grande décontraction, m’emmena à LAVARANDE et nous fîmes un autre jour une incursion dans la ZONE EST de l’ORANAIS à INKERMAN.
C’est ainsi que semaine après semaine je pus me balader dans une grande partie du CHELIF. J’étais devenu une espèce de secrétaire particulier des officiers du cabinet. Mon rôle consistait à préparer le dossier de l’unité que nous allions visiter, cela m’obligeait à contacter les chefs des différents bureaux de l’état-major (personnels, matériel, action psychologique etc..) selon l’objet de notre déplacement pour rassembler les documents nécessaires.
Excellent souvenir du spectacle superbe d’une fantasia, d’un concours hippique à Sainte Margueritte pas très loin de BOUFARIk à l’occasion de l’AID ES SEGHIR, les moutons avaient passé un mauvais quart d’heure, en méchoui ils furent délicieux.
Le 15 MARS le 1er bureau de l’Etat-Major de l’Armée nous adresse le message suivant :
PERSONNEL FRACTION CONTINGENT 1956 2/C ARRIVES RENFORT EN A.F.N. AVANT 15 JUIN 1957 SERONT LIBERES DU 1erAVRIL AU 10 AVRIL – STOP-
…………………………………………………………………………………….MODALITES LIBERATION AUTRES CATEGORIES PERSONNELS DE CETTE FRACTION CONTINGENT SERONT PRECISEES ULTERIEUREMENT - STOP - …………………………………………………
A suivre.......
Michel BRUN. michelgamay@orange.fr