L’ACCROCHAGE DANS LE DJEBEL
EXTRAIT DU DAHRA JOURNAL DE LIAISON DU 22ème R.I.
« Les Fellaghas, y en a pas dans le coin » avait déclaré le matin le Sergent Chef CARLE écoeuré.
Affirmation bien gratuite, mais expliquée par les longues journées de marche déjà faites sans résultat, tout un printemps et un été, passés sans avoir trouvé le contact. Deux fois pourtant, ils étaient venus tâter le bivouac, la riposte avait été sévère et l’on ne connaissait plus du rebelle, que ces trous stupides et inutiles creusés sans astuce sur les pistes du voisinage. Ce jour là, il faisait beau. La Compagnie partit, dans la fraicheur relative du matin, reconnaître un Marabout suspect et chercher à en récupérer quelques habitants, habitués systématiques de la fuite devant nous.
Arrivé à proximité du Marabout après une heure de fouille, les sections se regroupent pour la dernière partie de la progression. La 1ère suivant le pas allègre et sautillant de CARLE, va reconnaître un éperon rocheux couvert de broussailles qui se termine en falaise sur un oued encaissé et peu accueillant. Les gars dispersés avancent lentement. Les Fusils Mitrailleurs s’installent sur la crête et PIVETEAU, le tireur à l’œil sûr et au bidon légendaire ( n’a t’il pas fait la guerre de 14 ) s’absorbe dans la dégustation d’un pastèque tout en surveillant la marche des voltigeurs, le Sergent FAULE descend à gauche avec une équipe : le Caporal Chef MOREAU à droite avec une autre ; le Chef en tête oriente et règle la marche. Tout est calme et ce crapahut bien banal, quand soudain c’est l’accrochage.
Les rebelles tapis dans les rochers en contre pente viennent d’ouvrir le feu et veulent tout de suite profiter de la surprise. Appuyés par un Fusil Mitrailleur, ils s’élancent en criant sur nos gars qui s’avancent à quelques mètres seulement de leur position. Mais ils ont compté sans le sang froid de la « première » et son réflexe. Seul résultat pour eux, le Chef CARLE est tout de suite atteint à la cuisse, cette blessure, ils la paieront cher. Sur le flan gauche ils ont failli réussir, l’équipe MOREAU doit d’abord abandonner du terrain, tout en tenant l’assaillant en respect, les balles sifflent, et plus d’un bat son record d’acrobatie et de plongeon, mais l’équipe se regroupe et installée face à l’ennemi l’attend de pied ferme. Pendant ce temps de l’autre côté de la ligne de crête, l’assaut rebelle se transforme en déroute. PIVETEAU a lâché sa pastèque, jeté au loin son bidon et pris en main la protection de l’équipe. Il tire avec précision et les rebelles s’enfuient laissant de longues trainées sanglantes, et poursuivis par les grenades à fusil que leur distribue généreusement le Caporal LAURAIN. Et que dire du sang froid d’un GROUARD qui prend soin de refermer le container de sa grenade à fusil et de le replacer dans sa musette avant d’envoyer la « purée » comme dirait son chef de groupe.
Bref et brutal, le contact est fini ; le rebelle a profité des rochers ( parfois bien mal d’ailleurs, tel celui qui après un duel au garant avec CHAPELET, fit une culbute derrière son caillou). Ils s’enfuient vers l’oued emportant morts et blessés.
La 3ème Section d’ailleurs vient d’arriver sur les lieux en courant, bien que gênée, ainsi que la 4ème qui a pris position pendant ce temps au Marabout, pris à partie par des tireurs isolés.
La 1ère , tente la poursuite mais ne peut aller bien loin : il y a le chef qui est étendu la cuisse cassée et qu’il faut évacuer.
Le Fusil Mitrailleur de HAREL fera encore du mal aux fuyards qui se bousculent au fond de l’oued et le fusil à lunette de BOUILLE se charge de stopper la fuite de l’un d’eux.
Sur le terrain, un mort rebelle, que l’on saura plus tard avoir été le Chef de la section. Les renseignements apprendront plus tard qu’il y a eu cinq autres tués dans la bande et autant de blessés.
« Si Chef CARLE, il y avait des fellaghas, mais s’il vous ont envoyé à l’hôpital, vos gars ont su, instruits et menés par vous, leur apprendre qu’il y avait la «PREMIERE »
Le Lieutenant DOMANGE
Commandant la 9ème Cie du 2/22ème R.I.
Le texte m’a été communiqué par Albert ROUSSEL.
Les photographies proviennent du livre "la guerre d'Algérie" Témoignages d'appelés de la collection du Patrimoine