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13 mars 2009 5 13 /03 /mars /2009 13:15

EN PASSANT PAR DUPLEIX

Extrait du DAHRA   Journal de liaison du 22ème R.I.

 

   Connaissez-vous DUPLEIX ?  Non,  pas la caserne parisienne !……  DUPLEIX sur la côte Algérienne entre CHERCHELL et TENES.  Ah !……  ce nom vous rappelle un triste événement :  « L’embuscade »……….  C’est bien cela.  Vous voulez y venir avec moi ?… Rendons visite aux gars de la 3ème Compagnie du 1/22ème R.I. : mieux encore, comme c’est aujourd’hui Samedi, profitons-en pour faire un tour au marché.

   Remarquez comme la vie a repris, croyez vous vraiment que tout ce monde insouciant, enjoué, heureux de vivre, a traversé des heures de crainte et d’angoisse……  Une telle transformation n’est pas un miracle, c’est le résultat du travail accompli par la 3ème compagnie sous les ordres de son dynamique Capitaine. Regardez, le voici souriant, rasé de près, sans la moindre trace de fatigue malgré les 4 jours de crapahut qu’il vient de passer en montagne avec ses hommes. Il a tenu à être présent au marché parce qu’il représente la France aux yeux du fellah. Déjà, un attroupement se forme, tous les Arabes connaissent le « Mon Captan » et sont fiers de lui serrer la main. Lui aussi les connaît bien, il s’intéresse à chacun, s’informe des nouvelles de la famille de Djelloul ou d’Ahmed , caresse un enfant dans les bras de sa mère, donne une bourrade amicale à un ancien combattant ; c’est pourquoi il est aimé de tous. La population lui demande toujours conseil et se permet très souvent de frapper à la porte de son bureau. Pénétrant à notre tour nous y voyons une véritable ruche humaine, puisque c’est le point de départ de l’œuvre de pacification. Toutes les suggestions y sont reçues et mises en application si elles le méritent.

   Pendant que les trois sections sont à la montagne, se mêlent à la vie des douars, assainissent la région, recensent la population, protègent et rassurent, ici les secrétaires se chargent d’un travail d’identification sous forme de fiches ; un service photographique a été créé pour faciliter les choses aux Algériens. Un sergent se rend en jeep dans les douars et photographie à domicile, hommes et femmes. Ces déplacements en véhicule se font de plus en plus nombreux  en raison du bon état des pistes nouvellement réparées et constamment entretenues aussi bien par les soldats que par des civils bénévoles. Ce souci de faciliter et d’améliorer la vie des gens de la montagne est constant. La population autrefois méfiante et quelque peu hostile à l’armée, a maintenant entière confiance et accueille à bras ouverts les troupes qui se déplacent dans le secteur. Fellah et soldats fraternisent, dorment dans les mêmes mechtas, partagent la même nourriture, plats de couscous, œufs, poulets et souvent les maigres boites de ration dont les friandises font la joie des enfants.

   Comme le photographe, le médecin se rend à domicile dans les coins les plus reculés, au service des malades, il donne entièrement et n’économise ni son temps ni ses médicaments . Il assure et contribue à l’évolution des populations en leur enseignant les premiers principes d’hygiène jusqu’alors malheureusement ignorés. Secondé par l’Assistante Sociale il apporte des secours en espèces ou en marchandises (lait, farine, etc……) aux familles indigentes.

   Pour passer du domaine général au particulier, et pour vous prouver notre action, montons à BENI-HATTETA et admirons ce qui a été réalisé.

   De loin, nous apercevons la croix rouge de l’infirmerie et à côté l’école, construite en un temps record et avec beaucoup de goût d’ailleurs par les maçons de la compagnie et l’aide de la population. Les habitants sont maintenant fiers de leur école et de leur nouvelle place avec son café Maure. Les gens de passage font une halte au café Maure dernièrement ouvert et confié à un ancien combattant : pour cinq francs ils boivent un verre de thé à la menthe et jouissent d’un magnifique panorama sur la baie.

   Quittons le café Maure et entrons dans la classe. Aussitôt les 40 enfants se lèvent ; nous sommes agréablement surpris par leur propreté et leur tenue. Nous oublions même que nous sommes en ALGERIE, dans la montagne ; les élèves comprennent, parlent, écrivent et lisent le Français. Ils s’intéressent à leur métier d’écolier et veulent s’instruire comme le souhaitent ardemment leurs parents qui ont compris l’importance et les bienfaits de la civilisation française. A midi, nous retrouvons l’instituteur qui nous parle avec amour de ses enfants tout en veillant à l’ordre et à la bonne répartition des repas de la cantine.

   Nous traversons le village et nous sommes accueillis par les femmes sur le seuil de leur porte qui nous invitent à entrer  et nous offrent le traditionnel café servi dans des belles tasses en porcelaine.

   N’imaginez pas, après ce que je viens de vous raconter que nous donnons tout et que nous amenons les gens à vivre en parasites ; bien au contraire nous avons construit des bases solides qui leur servent de tremplin pour un bon départ vers la civilisation. Petit à petit nous nous retirons. La protection elle même est assurée par les hommes valides du village qui forment une « harka » de 30 hommes commandés par un sergent Français-Musulman. Nous avons permis à chacun de trouver un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille ; l’un est cafetier, l’autre épicier, celui-ci charbonnier, celui-là Harki ou petit fellah. BENI-HATTETA a été une expérience. Nous en sommes satisfait. Aussi, de nombreux autres villages semblables sont en voie de réalisation dans notre secteur de DAMOUS à ZATIMA.

   Au cours de notre randonnée, nous avons abandonné notre cantonnement. Serions nous devenus ingrats, nous qui sommes toujours heureux de le retrouver après quelques jours passés dans le djebel ?……..

   Un foyer bien achalandé et sa terrasse avec vue sur la mer a été aménagé par des décorateurs de talent ; des peintures encore fraîches flattent l’œil. Si les rafraichissements  sont insuffisants, les soldats ont la possibilité de prendre une douche ou même d’aller se baigner dans l’emplacement aménagé en piscine. Quant à celui qui veut manifester un sursaut d’énergie, le sport lui est offert avec ses nombreux jeux de ballons, boules, flèchettes ; pendant que ses camarades se détendront au son de la musique du poste nouvellement affecté au Foyer.

   La 3ème Compagnie a su prouver que le soldat avec une arme ou une pioche, avec ses bras comme avec son cœur, reste toujours et malgré tout un homme de bonne volonté, à l’âme optimiste et constructive.

 

 

1957       L’équipe de presse de la 3ème Compagnie.

 

Le texte m’a été remis par Albert ROUSSEL.

 

  Les photographies proviennent d'un ouvrage intitulé " La France contemporaine - la Guerre d'Algérie"

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