L’IMPLANTATION DE LA 1ère Cie du 1/22 R.I. à BOU-ZEROU
Extrait du DAHRA Journal de liaison du 22ème RI
Ce texte m'a été communiqué par Albert ROUSSEL ancien de Bou-Zerou.
Le 8 septembre 1957 la 1ère Compagnie jusque là implantée à LOUDA LOUZE reçoit l’ordre de s’installer au lieu dit « BOU-ZEROU ».
BOU-ZEROU se trouvant à 900 mètres d’altitude, sur la piste de montagne de TASSEROUT à TIGHRET, est alors un piton broussailleux. En un mois la colline est déboisée et déjà les bulldozers tracent des pistes et nivellent des plates formes.
Entre deux opérations, les fantassins, transformés en maçons, érigent deux tours de guet sur les points culminants, construisent des baraques en agglomérés, montent une baraque préfabriquée pendant que tout autour du chantier les harkis tissent un réseau de barbelés.
En ce camp de BOU-ZEROU où les fantassins du 22ème après avoir crapahuté se sont transformés en bâtisseurs et en pacificateurs, car on y mène une bonne ambiance. En effet malgré le vent, la pluie, le froid qui règnent à cette altitude, les hommes gardent, malgré tout, leur bonne humeur et leur courage, entrainés avec ardeur par notre chef « le capitaine LUCAS » qui commande la 1ère Compagnie.
Notre Capitaine qui est un ancien légionnaire a derrière lui le souvenir de la « légion » et s’il est sans relâche derrière ses hommes qui sont au travail c’est qu’il recherche avant tout le bien être pour ses hommes. Il pense à eux avant de penser à lui.
Ainsi il a été construit en un mois et demi : une baraque préfabriquée, une cuisine provisoire une écurie à brêles, une tour de guet, (la seconde qui sera haute de huit mètres est presque terminée), et une douzaine de baraques en parpaings agglomérés. Seul le manque de parpaings qui nous sont fournis par le Secteur empêche la finition. Tout de même deux de ces baraques en sont à la couverture, et maintenant nous fabriquons nos parpaings nous même. C’est plus sûr……
Pendant ce temps ceux qui ne sont pas des maçons, tendent le réseau de barbelés autour du camp. Les Harkis après la construction de l’écurie à brêles, transportent avec notre GMC du schiste et des cailloux pour les baraques, d’autres construisent une charbonnière pour le chauffage des guitounes le soir. En sus le déboisement se poursuit afin d’approvisionner notre réserve de bois de chauffage pour la boulangerie (construite elle aussi par nos maçons) qui fait notre pain et aussi celui de la population des douars environnants.
BOU-ZEROU vit aussi en collaboration étroite avec la population, ainsi nous fabriquons, mettons en sac et transportons le charbon de bois provenant du camp pour le remettre à la population qui nous environne. Ainsi une fois de plus l’Armée est en étroite collaboration avec la S.A.S.
Il y a aussi un gros besoin pour la Compagnie et la bonne vie du camp : « c’est l’eau ». Indispensable pour la construction, la nourriture et les besoins corporels des hommes. Aussi avec deux tonnes de 1000 litres, faisons nous plusieurs rotations chaque jour jusqu’à la source captée et aménagée par le S.A.S. qui se trouve à 1200 mètres du camp. Chacun accomplit cette corvée avec le sourire.
Enfin une anecdote de la vie de notre camp.
Un soir de la semaine passée soufflait sur BOU-ZEROU un terrible ouragan. Vent et pluie tombait sur le camp si fort qu’un pignon de baraque non couverte est tombé, détruisant ainsi quelques heures d’ouvrier, alors que nous avions dû cesser tout travail. La bourrasque était si forte que toutes les guitounes sauf une furent fauchées, déchirées, il était alors 20 heures trente. Les hommes d’une section, les prisonniers, la popote des sous officiers et la guitoune du matériel, en un mot tout le camp dût coucher à la belle étoile sous une pluie battante, et le vent sans répit toute la nuit, jusqu’au lendemain après midi où nous avons pu toucher deux guitounes au matériel du Bataillon, et une autre aimablement prêtée par la S.A.S. qui ont toutes été remontées sous la pluie avec toutefois un vent affaibli.
Mais à aucun moment les hommes n’ont « bronchés » tous avec ardeur une fois les guitounes remontées, se sont chargés et remis au travail, car ici à BOU-ZEROU , il n’y a pas de Dimanches ou de jours de fête tant que les hommes ne seront pas logés dans le « dur » . Telle est la devise de notre chef, que nous avons tous adoptée.
Voilà , je vous ai raconté BOU-ZEROU et la vie qu’on y mène, ce ne sont que quelques détails. Il ne faudrait pas oublier pourtant la construction de l’insigne du Régiment, de six mètres sur quatre mètres, avec son lion en relief, symbole de la force et de la fierté de la Compagnie, car cet insigne est vu dans un rayon de dix kilomètres à la ronde. Les fellaghas ne pourront pas oublier la présence du 22ème R.I. Ainsi, si nous devons déménager comme tel le devoir l’exige, notre passage y restera marqué et nous pourrons être fiers de notre travail accompli avec notre sueur, notre peine et toute notre volonté de pacification pour que vive l’ ALGERIE FRANCAISE.
Décembre 1957.