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15 février 2009 7 15 /02 /février /2009 18:27
LE PHARE DU CAP TENES

 

Le phare du Cap Ténès est un magnifique édifice construit vers 1863. Il est classé monument historique. Implanté à la pointe du cap d’où il surplombe la mer d’une cinquantaine de mètres, il est situé  à l’extrémité d’un promontoire rocheux qui culmine à 640 mètres. Au dessus de lui un sémaphore le domine, et au sommet du Cap une tour de guet que l’on appelait en 1957 la Tour Romaine couronne l’ensemble.

J’ai eu l’occasion à trois reprises de m’y rendre pour assurer la protection de la garnison du phare.

La première fois en mars 1957, pour une mission de protection du convoi de ravitaillement qui était assuré par les fusilliers marins du phare. Des renseignements laissaient craindre une embuscade sur le chemin du retour, et l’on m’avait demandé d’accompagner et d’assurer la protection du convoi. Après avoir longé le port de TENES, la route  très étroite  montait rapidement dans des bois et  taillis, les arbres formant au départ une voûte au dessus de nous.

Très sinueuse elle serpentait à flanc de colline, une quarantaine de mètres au dessus de la mer tout le long de la côte. J’avais disposé un half-track en tête, deux GMC blindés, le convoi de ravitaillement, un GMC blindé, et un half-track de queue. Quelques tirs à priori avec la mitrailleuse de 30 du premier half-track, puis on abordait une zone de petites pinèdes qui me semblait plus dangereuse, et propice à une embuscade. Je fais stopper le convoi, et je pars avec les 2/3 de mon groupe en ratissage sur les 100 mètres qui surplombent la route. C’était la première sortie de ma harka, et avec leur fusil de chasse, les harkis ne disposaient que d’une vingtaine de cartouches . Je les déployais en éclaireurs de tête et après environ un kilomètre de marche très difficile, quatre ou cinq coups de fusils éclatent en tête du groupe. Tout le monde se couche, et la fusillade s’étant arrêtée, je m’approche du groupe des éclaireurs de tête pour obtenir des renseignements. C’est alors que je vois déboucher hilares un groupe de harkis avec deux porcs-épics qu’ils venaient de tuer. Bien évidemment je leur remontais les « bretelles » et les invitais fermement à ne plus recommencer. Toutefois je les autorisais à conserver leur gibier, mais déclinais l’invitation d’aller le déguster .

Je demandais aussitôt par radio au convoi de me rejoindre, pour nous rendre ensuite sans autre incident au phare. Ce dernier était distant d’environ 5 ou 6 kilomètres du port de Ténès.

A cette occasion, je fus invité à le visiter. C’était une véritable place forte entourée de très hauts murs, avec une cour intérieure décorée par des arcades . On y pénétrait par une double porte fortement renforcée, les véhicules de la garnison stationnant à l’intérieur du phare. L’officier me fit visiter la salle des machines où trônaient les groupes électrogènes, dont l’un fonctionnait en permanence. La pièce était d’une propreté méticuleuse, et les cuivres brillaient. Le retour sur Ténès fût sans incident.

Ma seconde visite au phare se situe en avril ou mai 1957, un violent tremblement de terre aux environs de 13 heures avait fortement secoué la ville de Ténès et ses environs. Moins violent que celui de septembre 1954 qui avait détruit la ville d’Orléansville, ainsi d’ailleurs que les immeubles de la caserne Lavarande , et le mess des officiers à Ténès, il avait fait tout de même quelques dégâts. Au mess, la vaisselle dansait , les lustres se balançaient dangereusement , et nous nous étions réfugiés sous les tables. Ce tremblement de terre avait entrainé un glissement de terrain à environ un kilomètre du phare , et la route sur une centaine de mètres avait disparue dans la mer. J’avais donc été chargé avec une unité réduite du génie (deux hommes , un camion avec une remorque et un bulldozer ) de reconstruire cette route.

Le phare était inaccessible, et notre premier travail fut de rétablir rapidement un passage provisoire pour permettre à nos véhicules de circuler. J’avais installé mes groupes en protection du chantier, et vers 18 heures je pus rejoindre le phare avec tous mes véhicules. Là, je fus moins bien accueilli que la première fois, en effet je pensais pouvoir installer tout mon monde à l’intérieur du phare , seuls le bulldozer  et les deux militaires du génie furent accueillis, et l’on me signifia fermement qu’il fallait que je me loge ailleurs. On préservait l’essentiel pour reconstruire la route, et pour les autres, ils devaient se débrouiller. Nous avions bien prévu les toiles de tente, mais dans un environnement aussi hostile, et dominé de toutes parts par la montagne, ce n’était pas l’idéal. Or au passage, j’avais repéré à environ 500 mètres du phare, un village de regroupement pratiquement neuf d’une quinzaine de pavillons, où vivaient seulement trois ou quatre familles. Mon choix fut rapidement fait, on s’installait dans les pavillons libres. Je rencontrais aussitôt les familles pour les rassurer, elles nous reçurent très aimablement, en nous offrant le café . A ce sujet un caporal de ma section que j’ai rencontré récemment, me rappelait que je lui avais imposé de ne pas refuser ce café pour ne pas les vexer, et avec  du dépôt au fond de sa tasse , il avait fait un réel effort pour me satisfaire.

Je répartissais le plus largement possible mon effectif dans les pavillons disponibles. Nous n’avions pas de barbelés, rien pour nous protéger, rapidement tout le monde se mit au travail pour construire des postes de combat. Nul besoin de commander, tout le monde travaillait pour assurer sa propre protection. Comme nourriture nous avions des rations Européennes pour une semaine, et des jerricans d’eau. Les nuits furent difficiles dans cet environnement sauvage, et je me levais à chaque relève de sentinelles pour m’assurer que tout se passait bien. J’en avais installées trois dans des postes de combat, et une quatrième, la nuit tombée, au sommet d’un pylône métallique d’une vingtaine de mètres de hauteur, avec une plateforme en tête équipée d’un garde corps, accessible par une échelle à l’ intérieur du pylône. Je ne sais pas à quoi servait cette installation qui ressemblait aux supports utilisés actuellement par les PTT pour y installer leurs antennes. J’ai passé quatre jours et trois nuits sur ce site, le jour en protection du bulldozer, la nuit en assurant notre propre protection. Toutes les fins d’après midi, j’accordais un moment de détente à mon petit monde, la moitié du groupe en protection, l’autre moitié descendait par des chemins de chèvres prendre un bain au pied du phare, et vice et versa. Nous profitions de l’occasion pour améliorer l’ordinaire avec des pêches à la grenade offensive. Nous pêchions principalement des daurades .

Durant quatre jours nous avons pu tout en protégeant nos collègues du génie, admirer le paysage grandiose du Cap Ténès. De nombreuses compagnies de perdrix rouges s’envolaient à notre passage, et un grand nombre de vautours, profitant des courants ascendants, planaient en permanence très haut au dessus de nos têtes, le spectacle était magnifique.

Mon troisième passage au phare aux environs de la mi juillet 1957, fut motivé par une attaque nocturne des H.L.L., et on me détacha avec ma section à nouveau trois jours pour assurer la protection de la garnison. Je m’installais cette fois encore dans le village de regroupement, et chaque jour nous avons patrouillé et ratissé, dans tout le secteur. Je contrôlais toutes les mechtas et les populations situées à proximité du phare. Nous sommes également montés au sommet du Cap Ténès où nous avons découvert la tour de guet. A cette occasion je rencontrais une équipe d’ouvriers qui travaillaient à la construction d’un chemin à flanc de montagne pour accéder au sommet. Pour abattre la roche, ils utilisaient de la dynamite, et je me suis toujours demandé si une partie de ces explosifs, ne partait pas à la rébellion ?……

Dans notre petit village, sans aucune protection, nous étions je pense, plus vulnérables que la garnison du phare dans son blockhaus . Cette fois ci encore, je regagnais Ténès sans encombre.

Il n’en fut pas de même le 25 septembre 1958, où cinq aviateurs de la garnison du phare furent tués dans une embuscade entre le poste "AIR" situé au sommet du Cap TENES  et le camp de base implanté près du phare, et le 09 janvier 1959 au retour d'un convoi de ravitaillement, où à nouveau 7 aviateurs furent tués, ainsi que Mr DOMINICI le gardien du phare.

Le sous lieutenant CAMUS de la 7èmecompagnie du 2/22 Régiment d’Infanterie signale, qu’au début de l’année 1959, il est affecté avec son groupe à la protection du phare du Cap Ténès. Je ne sais pas s’il logeait à l’intérieur du phare ou s’il occupait comme moi le village de regroupement ?…. Toujours est-il qu’il déclara : « le phare du Cap Ténès….. au bord de la mer, sur un rocher déchiqueté, j’allais avec mes compagnons de solitude, subir les tempêtes de printemps tout en demeurant sur un qui-vive de bon aloi »

Le sergent Pierre RABAUD pris le commandement de la garnison du phare début juillet 1959, en remplacement d'un sous lieutenant muté comme instructeur à l'école de sous officiers du 22ème RI à POINTE ROUGE. Les gardiens du phare s'appelaient à l'époque : SOLER et GARCIA, ainsi qu'un Algérien dont il ne se souvient plus du nom, qui habitait un douar à proximité du Cap TENES. La garnison comptait en tout et pour tout, 3 métropolitains et 12 appelés ALGERIENS du contingent. L'armement était très rudimentaire, 3 " MAT 49 ",  12 fusils " GARANT " et une caisse de grenades. La peur était présente tous les jours, et la tension très forte. Heureusement il n'y eut aucune attaque. L'approvisionnement du phare depuis les embuscades du 25 septembre 1958 et du 09 janvier 1959 était assuré par un petit bateau de pêche du port de TENES, ainsi  que le transport des hommes de la garnison. Pierre RABAUD fut libéré le 05/12/1959.

                                                                                                                               Le phare du Cap Ténès et son environnement : c’était sauvage, c’était beau, c’était grandiose….. mais à cette époque, c’était stressant et dangereux.

 

Michel FETIVEAU. 

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commentaires

M
Il m'est arrivé de contrôler la nuit les pêcheurs de Ténès, mais je ne connaissais pas leurs noms.
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B
pardon Mon grand pere et pas ma grand mere
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B
merci bcp pour tt ces informations et photos précieuses, et Je me demande, peut-être vous le savez ma grand-mère Benfardjallah Mohamed, c 1 ancien marin de Ténès ??
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M
<br /> A quelle époque à coulé l'Etna, et au pied de quel phare, celui de la sortie du port où celui du Cap Ténès ? Tu peux me répondre sur les fiches "contact".<br /> Michel.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Bonjour.Je connais très bien Ténès et les environs.En effet, entre 1960et 1961,j'ai fait des travaux sous marins au port de tenes.J'ai plongé au bas du phare sur l'épave de l'etna dont j'ai gardé<br /> quelques souvenirs de cette épave.Ce site est vraiment magnifique ,les plongées également.Au passage,récolte de corail rouge.Tout ceci est bien loin.J'ai très bien connu l'ingénieur des P et C du<br /> port a savoir Manonza et enfin j'habitais tout près du port.C'etait une belle époque.<br /> <br /> <br />
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G
Bonjour, j'habite actuellement Ténès et je suis à la recherche de coordonnées ou des détails historique concernant les épaves de bateau et d'avion de Ténès.<br /> Je suis français et je viens d'ouvrir une école de plongée , merci d'avance pour votre aide.