En août 1957 une brusque rage de dents me contraignait à consulter Charles ARRIGUI le sous lieutenant dentiste du 22ème RI à TENES. Son diagnostic, une dent de sagesse à extraire !… Dans notre unité le matériel sanitaire était plutôt désuet, et il préféra pour cette intervention me diriger sur l’hôpital MAILLOT à ALGER.
Le lendemain matin j’embarquais dans le convoi du courrier pour rejoindre ORLEANSVILLE, puis j’empruntais l’INOX jusqu’à ALGER où, je rejoignais immédiatement l’hôpital MAILLOT. Très rapidement un capitaine dentiste m’examinait et décidait mon transfert en salle d’opération. L’extraction se passa ainsi sans douleur, et je me réveillais une ou deux heures plus tard en pleine forme, dans une chambre individuelle, avec un lit paré de beaux draps blancs dont j’avais perdu l’habitude depuis déjà de nombreux mois. Je demandais au premier infirmier qui me visita si je pouvais maintenant repartir. Il me répondit que le praticien m’avait prescrit trois jours d’hospitalisation !…. Je n’avais pas l’intention de moisir à l’hôpital, et je me procurais rapidement un annuaire pour appeler l’aumônerie générale dont les bureaux se trouvaient place BRESSON, et l’aumônier général François de L’ ESPINAY un ami. Ce dernier me promit de venir à mon secours et quelques heures plus tard, il débarquait souriant dans ma chambre avec : une prescription pour mon dentiste, des calmants, l’autorisation de sortie, et le maintien des trois jours d’hospitalisation. Je pouvais donc rester deux jours à ALGER.
Sur le parking nous retrouvions sa Peugeot 403, et rapidement on rejoignait BOUZAREAT sur les hauteurs d’ALGER où il logeait. Il m’expliqua qu’il avait racheté une maison close, et qu’ainsi il avait accompli une bonne œuvre en fermant cet antre du diable.
Les chambres minuscules, n’étaient meublées que d’un lit, d’une chaise, d’un porte vêtement et d’un lavabo. Elles s’assimilaient parfaitement à la cellule d’un moine.
Les repas étaient pris en commun, officiers et simples soldats à la même table, avec en invités quelques prêtes et séminaristes de passage.
Je l’interrogeais sur ses activités, et il m’expliqua qu’il voyageait dans toute l’ALGERIE pour visiter les prêtes et les séminaristes en poste dans les unités. Il partait toujours seul au volant de sa 403, ne voulant pas mettre la vie de son chauffeur en danger. En cas d’embuscade, il n’y aurait qu’un mort déclarait-il en riant très fort.
Durant les deux journées que je passais chez lui , il mit à ma disposition un chauffeur, et une « traction avant » pour visiter ALGER. J’étais malgré tout un peu inquiet dans cette grande ville craignant toujours un attentat. Il n’en n’était pas de même pour mon chauffeur habitué à circuler tous les jours.
François de L’ESPINAY rayonnait la joie, parlait fort, souriait toujours, ce fût pour moi un rayon de soleil dans la grisaille de cette guerre d’ALGERIE, et je rejoignais le 22ème RI à TENES les batteries complètement rechargées.
Michel FETIVEAU.