L’ EMBUSCADE DU 9 JANVIER 1957.
Extrait de l’édition du comité départemental FNACA de l’AISNE de Mai 1998.
Le soldat MEURISSE Charles arrivé le 10 octobre 1956 à ALGER, puis transporté avec armes, munitions et paquetage au camp de CHERCHELL du 22ème Régiment d’Infanterie de la 9ème Division, jusqu’à sa libération le 10 octobre 1958.
Charles nous raconte une bien triste expérience : le jour de mes 21 ans, le 9 janvier 1957, comme toutes les semaines, nous effectuons le ravitaillement des deux compagnies isolées, avec un convoi de 12 véhicules comprenant une jeep que je pilotais, une automitrailleuse et des GNRT équipés de mitrailleuses lourdes.. Nous étions toujours sous détection aérienne, sauf ce jour là. Il nous fallait une demi-journée pour monter au travers de ces montagnes arides, situées à l’extrémité orientale de la plaine de la MITIDJA, dont un des sommets particulièrement abrupt s’appelait la « dent de Marceau ». Au retour à mi-chemin un fossé fraîchement creusé nous barre la route. Le premier véhicule s’arrête un peu avant, derrière je stoppe brutalement, le lieutenant à côté de moi est éjecté ce qui le sauve car juste à ce moment un feu nourri éclate sur le côté, et dès cette première attaque, la moitié des 42 militaires sont tués ou blessés. Le lieutenant rassemble les survivants de tête, six soldats. Pour nous protéger, nous nous glissons sous un camion où des copains tués gisent au dessus de nous. A l’arrière du convoi d’autres comme nous se défendent. Nous entendons nos mitrailleuses en action, ce qui nous donne un peu d’espoir, puis des grenades ennemies mettent fin à leur tir en tuant nos défenseurs. Un chauffeur sort blessé de son camion, mais aussitôt assailli, il est achevé. D’ailleurs tous les blessés subirent le même sort. Les rebelles en hurlant des you-you qui nous tétanisent, envahissent la piste coupant ainsi le convoi en deux. Ils étaient environ 200 hommes pour monter cette embuscade.
Après trois heures d’un combat acharné et meurtrier dans les deux camps et toujours en avant du convoi, nous restions le radio et moi même. C’est alors que nous nous décidons de sauter dans le ravin.
Mon camarade saute le premier pendant que je le couvre, puis avec beaucoup de chance, ce fut mon tour. Nous descendons la pente en roulé boulé jusque dans l’eau de l’oued, puis nous suivons son cours pendant environ 3 kilomètres, poursuivis par une dizaine de rebelles.
En sortant de l’oued nous avons retrouvé 4 camarades de l’arrière du convoi qui avaient fait comme nous. Les premiers renforts arrivaient avec l’aviation, nos poursuivants s’évanouissent dans la montagne. Pour nous le calvaire prenait fin. Nous avons retrouvé notre lieutenant vivant mais blessé, le genou éclaté, qui s’était caché sous un épineux. Il n’y avait pas d’autres survivants.
Nous avons été très marqués par cet événement, avec psychonévrose de guerre, et encore aujourd’hui je ne passe pas une semaine sans revivre cette tragédie soit en rêve ou éveillé. Je n’oublie pas mes 27 compagnons d’armes qui n’avaient que 20 à 22 ans lors de ces faits. Je rends un grand hommage à tous mes camarades morts ce jour là et, bonjour aux copains du 3 /22 RI dont je garde un bon souvenir, en particulier au lieutenant GODIE qui était chef de bord lors de cette terrible embuscade.
MEURISSE Charles.
Le texte m’a été communiqué par Albert ROUSSEL