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1 décembre 2008 1 01 /12 /décembre /2008 16:17

                                                                                  Ecrit par Gérard Marinier

 

 

 

A 71 ans, il est retraité d’un important groupe d’assurances. Membre de le FNACA depuis plus de 40 ans, il appartient au comité de Melun ( Seine et Marne ) et il garde le contact avec les hommes de son ancienne section . Officier en Algérie, il nous relate  quelques épisodes de ce qui a été pour lui l’apprentissage du commandement.

      

Vous appartenez à la classe 53 mais vous n’avez été incorporé qu’en 1955. Pourquoi ?

 

J’ai commencé des études d’opérateur géomètre à la suite desquelles j’ai dénoncé le sursis que j’avais obtenu. J’ai donc été incorporé au 1er régiment du Train à MONTLHERY où j’ai fait mes classes du 15 août au 15 octobre 1955 . Quand on a demandé des volontaires pour suivre le peloton de brigadier, j’ai suivi les autres, bien que je ne me sentais pas de vocation particulière. Après cela, et dans les mêmes conditions, j’ai suivi le peloton de maréchal des logis, puis les EOR à Saint MAIXENT. Là, c’était dans l’infanterie. Comme il y avait des besoins urgents d’encadrement en Algérie, cette formation a été très rapide. Le 15 septembre 1956, je suis sorti aspirant et , avec trois bons camarades de la section, nous avons choisi la même affectation en ALGERIE pour essayer de rester ensemble. Nous avions demandé le 2ème bataillon du 22ème Régiment d’Infanterie qui devait se trouver à COLLO. Après avoir débarqué tous les quatre à ALGER le 30 septembre, nous avons appris que le 22ème RI ne se trouvait pas à COLLO, mais à ORLEANSVILLE où nous sommes arrivés par le train le lendemain. Le Général de BREBISON nous a reçus tous les quatre car nous étions les premiers officiers appelés qui arrivaient dans la 9ème Division d’Infanterie qu’il commandait. Le 22ème RI avait son PC à TENES. Mais là, le Colonel nous a séparés et affectés dans quatre compagnies différentes.

Moi j’ai rejoint la 8ème compagnie commandée par un ancien légionnaire rescapé de DIEN BIEN PHU et qui lançait sans arrêt des opérations, de jour comme de nuit. Cette compagnie de combat était composée de 4 sections de rappelés plus une section de commandement. Le 1er novembre, les rappelés mariés sont rentrés, et à la fin du même mois, les autres en ont fait autant. Les premiers appelés ne sont arrivés qu’au début de novembre. Je me suis ainsi retrouvé seul à la 8ème compagnie avec seulement une section. Très vite, un sous lieutenant d’active est venu prendre le commandement. Et puis, une deuxième section d’appelés est arrivée et les effectifs se sont complétés petit à petit. Contrairement à ce  que l’on a souvent entendu dire, ces premiers appelés n’étaient pas du tout en rébellion vis à vis de l’autorité militaire.

 

En tant qu’ officier, de quels types de missions avez-vous été chargé et quelles ont été vos premières réflexions ?

 

- Le premier dimanche après notre arrivée en Algérie, nous avons eu une alerte. Un goumier avait été assassiné dans le bled. Ce tirailleur algérien en permission avait été enlevé par les fells dans la matinée. C’est sa famille qui, ne le voyant pas revenir, a averti la gendarmerie qui nous a à son tour alertés. Nous avons monté une opération pour tenter de le retrouver   Après avoir ratissé la forêt et au moment où nous allions abandonner, sa famille a trouvé son cadavre égorgé au fond d’un oued. J’en ai été très marqué.

Ensuite, une très grosse opération s’est déroulée dans le secteur de BORDJ-BAACH, ancien fortin de la colonisation. Une bande de rebelles faisait de la pénétration auprès de la population et cherchait à s’implanter. Ces hommes étaient habillés avec des bleus de chauffe. Nous avons monté une opération au niveau du bataillon et les rappelés les ont accrochés. Une quarantaine de rebelles ont été tués, des armes et des documents récupérés, mais beaucoup d’autres fells ont réussi à s’enfuir. Ma section en a tué un qui tentait de s’échapper au fond d’un oued. Moi, j’étais un peu en réserve et je n’ai pas eu le baptême du feu cette fois là. Curieusement, j’étais un appelé qui commandait des rappelés mais cela ne m’a posé aucun problème. Tous ces anciens étaient plus âgés que moi mais tout s’est très bien passé. Au cours de cette opération, nous avons eu de notre côté un tué et quelques blessés. Je me souviens qu’afin de pourchasser les fells, nous avons utilisé des canons de 75 sans recul ainsi que des bazookas. Tout cela s’est déroulé à CAVAIGNAC où je suis resté jusqu’en mars 1957.

 

Que s’est-il passé ensuite ?

 

- Avant que les rappelés ne soient tous partis, j’ai été chargé de monter un camp, que l’on a appelé Oued AMELIL, à 30 km de CAVAIGNAC. Avec une section de rappelés de la 8ème compagnie et une autre de la 7ème, et avec un lieutenant rappelé lui aussi, nous avons monté un poste en plein bled, de façon à pouvoir faire à la fois du renseignement et un contrôle de la population qui se trouvait dans le secteur. Les mechtas étaient éparpillées, les gorges de l’oued ALALLAH se montraient dangereuses, les pistes infectes, les pipers nous balançaient le courrier, ce n’était pas vraiment la joie. D’autant plus qu’en novembre, c’est la saison des pluies. Pour manger, nous avions un stock de ration plus la roulante. Nous logions dans des tentes protégées par des murettes que nous avions rapidement construites. Bien que ce poste ait été très mal placé, il n’a jamais été attaqué. Pourtant nous étions dominés de tous les côtés par les montagnes et, comme il y avait dans le secteur une katyba d’une centaine d’hommes, nous aurions pu être harcelés.

- Dans les 3 semaines durant lesquelles je me suis trouvé là, nous n’avons pas été inquiétés. Il fallait en même temps vérifier les identités, contrôler les couffins pour voir s’il n’y avait pas d’armes dedans et je dois dire qu’après une semaine à ce rythme, les gens faisaient un grand détour pour éviter le passage près du poste. A la fin on ne voyait plus personne. Ce camp a été agrandi, fortifié, mais je n’ai pas connu ce qui s’y est passé ensuite. Plus tard, j’ai su qu’une véritable route avait été construite par le génie. Cette expérience a été très intéressante pour moi parce qu’il a fallu monter ce camp de toutes pièces en même temps que nous faisions des opérations et recherchions des renseignements sur le terrain. Quand nous interrogions les gens dans les villages, ils n’avaient jamais rien vu. Des hommes habitaient encore les mechtas et, lorsque nous faisions de grandes opérations et que nous arrivions avec notre convoi, les anciens combattants qui avaient fait 14-18 et 39-45 arboraient leurs médailles sur leurs burnous. C’était vraiment la grande amitié. Après, une fois que les katybas se soient implantées par la terreur, ces hommes devaient leur obéir, couper les pistes, scier les poteaux….. Mais au départ, je le répète, leur amitié me paraissait sincère.

 

Nous nous trouvions à la limite de la willaya 4, de l’OUARSENIS et de la willaya 5, de l’ORANAIS. Dans chaque willaya, il y avait une katyba. Parfois elles se réunissaient pour monter ensemble une embuscade. C’est la raison pour laquelle le 22ème RI a eu autant de coup  dur .   On  y  a ,  en   effet, dénombré 272  morts entre 1956 et 1962. Le régiment a beaucoup dérouillé.  Nous  avons  entrepris de multiples opérations mais elles n’aboutissaient  pas toujours  car le  téléphone  arabe  fonctionnait très  bien.   Les  populations  qui  devaient  donner  des  renseignements  aux  fells  jouaient  le jeu. Il  y  avait  des  signaux  d’alerte lumineux  ou  par  fumée.  Cette situation a duré tout l’hiver 1956-1957, à  la  suite  de quoi le commandement a  demandé que l’on  dissémine les unités plus largement sur le terrain.

 

Vous avez donc quitté CAVAIGNAC à ce moment là. Où vous a t’on envoyé ?

 

- En mars 1957, j’ai été déplacé à CHASSERIAU, petit village ou il n’y avait qu’une brigade de gendarmerie. Avec ma section, j’ai été à nouveau chargé de monter un poste. Le maire du village a mis à ma disposition son école désaffectée et nous nous y sommes installés. Moi j’ai occupé le logement de l’instituteur. Il a fallu fortifier ce poste de façon à éviter d’être harcelés, surtout la nuit. Avec 25 hommes et la proximité des gendarmes, je devais faire face à la population incertaine qui se trouvait tout autour. Nous n’avions pas de radio pour les liaisons avec la compagnie et nous devions nous contenter du téléphone civil. Nous sommes restés là durant 3 mois. J’avais également pour mission de faire des patrouilles tout autour du village pour bien faire voir que l’armée française était présente. Nous devions aussi protéger des exploitations agricoles isolées, par des patrouilles de nuit, car les colons avaient quitté leurs fermes pour se réfugier au village. Le jour, ils travaillaient dans leurs fermes mais ils n’y dormaient plus ? Lors de ces patrouilles, nous changions à chaque fois d’itinéraire et d’horaire pour éviter les embuscades. Nous assurions aussi la garde du marché du village, en accord avec le maire qui pour cette raison, nous ristournait 10% du droit payé par les marchands. Nous avions donc un peu d’argent frais pour améliorer l’ordinaire. Nos contacts avec les colons ont toujours été très bons mais nous avions beaucoup de mal à avoir des relations suivies avec les Algériens dispersés dans les douars. Il y avait des passages de bandes qui faisaient pression sur les populations. Quand les gendarmes venaient nous voir le matin, c’était pour nous annoncer que des Algériens avaient été assassinés dans leurs douars. Il fallait alors les accompagner pour constater les crimes commis par les fellaghas durant la nuit. Ces hommes étaient égorgés ou brûlés, simplement parce qu’ils avaient résisté aux fellaghas. Quant aux autres , terrorisés, ils ne disaient plus rien. Un jour, le général de BREBISSON a atterri en hélicoptère pour venir voir mon poste. Il m’a félicité en me disant  « c’est un véritable petit bordj, lieutenant, félicitations » J’étais content parce que les murettes étaient tirées au cordeau, avec des meurtrières efficaces et que tout était parfaitement ordonné. Quelque temps après, le général a fait savoir que ce poste serait destiné au PC du 42ème RA. J’ai donc dû retourner dans ma compagnie à CAVAIGNAC. Nous étions en juin 1957.

 

Vous voilà donc de retour à CAVAIGNAC. Mais votre savoir faire en matière d’installation de postes vous a valu d’autres tâches. Lesquelles ?

 

- Je suis d’abord parti en permission pendant 15 jours. Après 6 mois dans le grade d’aspirant, j’étais devenu sous lieutenant et au retour, le lieutenant m’a envoyé en plein djebel pour m’ installer sur un autre piton, complètement à l’écart du village de MONTENOTTE. Ce piton, désigné par la « cote 541 », devait être aménagé. Le capitaine avait mis à ma disposition un bulldozer, de manière à l’araser afin que toute la compagnie puisse y tenir. Nous nous sommes donc retrouvés dans un camp que l’on a appelé Bordj TAOURIRA. A partir de là, le bulldozer montait chaque matin pour araser le piton. Comme j’étais géomètre, le capitaine m’a dit : « Il faut vous débrouiller pour construire une piste ». J’ai alors construit une piste en zig zag. Le capitaine m’a dit : « C’est bien, car lorsque nous serons là haut, nous pourrons prendre sous le feu de défense l’ensemble de la piste et empêcher l’accès du poste ». Deux sections surveillaient le travail du bulldozer et assuraient la protection. La section VERLEY et la mienne.

- Le 7 juin, j’ai dû me rendre à CAVAIGNAC pour aller chercher des papiers et du ravitaillement. Le lendemain, 8 juin, je me suis joint au convoi remontant, avec le colonel qui voulait voir nos travaux d’implantation. Ce convoi comprenait plusieurs véhicules. En montant la fameuse piste, nous avons aperçu des silhouettes au sommet du piton, comme des ombres chinoises. Le colonel a fait arrêter le convoi pour me demander qui étaient ces hommes qu’on voyait en contre jour. J’ai répondu que c’étaient les hommes du sergent VERLEY qui nous regardaient monter. Mais d’un seul coup, une rafale de mitrailleuse est partie de là haut et on a compris qu’il ne s’agissait pas de la section VERLEY, mais de fellaghas. J’ai pris le commandement de la section d’Etat Major pour donner l’assaut. Nous sommes montés sur une pente assez raide, à travers les broussailles, mais quand nous sommes arrivés en haut, les fellaghas étaient partis. Malheureusement , deux des nôtres avaient été tués, le sergent VERLEY lui même et son éclaireur de pointe, Serge MERY. Un 3ème  gars, qui s’appelait Claude DENIS, avait été très choqué car il avait reçu une balle sur la crosse de son fusil. Il l’avait échappé belle ! Nous avons retrouvé 2 fellaghas tués dans les broussailles. A partir de là, une grosse opération a été engagée avec l’aviation et la chasse mais on n’a jamais retrouvé les fellaghas . Pourtant nous en avions bien vu une vingtaine en silhouettes sur le piton et il est probable qu’ils y en avaient d’autres sur le versant opposé.

Comment s’est terminé pour vous ce temps en ALGERIE et de qu’elle façon êtes-vous rentré en métropole ?

 

- Fin septembre 1957, le capitaine m’a proposé de rempiler en me promettant le grade de lieutenant plus une bonne prime de rengagement. Il m’a même donné le commandement de la compagnie, probablement pour me tenter davantage. Mais on m’attendait dans le civil pour ma situation et j’ai refusé l’offre. J’ai donc été démobilisé et j’ai pris le bateau le 15 octobre pour débarquer à MARSEILLE. En ALGERIE, je suis resté 1 an et 15 jours mais ce temps a été très bien rempli. Je garde un très bon souvenir de ma section et depuis quelques années, je fais des recherches pour retrouver mes hommes. Ceux-ci sont répartis dans toute la FRANCE et nous nous réunissons de temps en temps. Cette année, nous avons fait les 3ème « retrouvailles » et nous étions une quinzaine. Côté FNACA , je suis adhérent depuis 1964. C’est le président MAREK qui m’a recruté à cette époque à NEMOURS. Comme il prenait le train à FONTAINEBLEAU et moi à MELUN, nous nous retrouvions dans le même wagon et aux mêmes heures pour nous rendre à PARIS. Je suis au comité FNACA de MELUN mais aujourd’hui, je n’assume plus aucune fonction.

 

                  

 Cet article paru dans l’ANCIEN D’ALGERIE N°434 de février 2005, à été reproduit avec l’aimable autorisation de la direction de ce journal.

 

 

 

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commentaires

B
LE SERGENT MERY QUI S'APPELAIT CLAUDE DENIS ET QUI A REFUSER LE GRADE DU LIEUTENANT POURQUOI ? ACCROCHAGE ENTRE OUACHACHE ET BORDJ-BAACH ... GUERRE D'ALGERIE
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