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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 10:52

1958

Evénement : Référendum en Algérie

 

Le jour où j'ai participé à l'organisation du référendum en Algérie

 

 

J’arrive en Algérie en octobre 1957 et je suis affecté au 22ème régiment d’infanterie, constitué principalement d’appelés. Je suis moi-même un simple appelé, avec le grade de sous lieutenant, et je n’ai jamais combattu de ma vie. Un convoi me conduit à ma zone d’affectation et au bout de quelques kilomètres des coups de feu retentissent. Je réalise que je suis le plus gradé et qu’il faut agir. Mais que faire ? A peine ai-je eu le temps de mesurer le poids de mes nouvelles responsabilités que j’aperçois les soldats en tête du peloton : ils sont en train de tirer des perdreaux !

Pendant tout mon service je reste dans la région d’Orléanville. Je suis logé dans un petit village entre Ténès et Orléanville : Fromentin. Le tremblement de terre de 1954 ayant tout détruit, les troufions sont logés dans les maisons démolies et les pieds noirs dans les maisons qui viennent d’être reconstruites.

Jusqu’aux événements du 13 mai 1958, je suis non seulement officier de transmission de mon bataillon mais également officier d’action psychologique. Je dois faire la tournée des villages pour prêcher la paix en Algérie et convaincre la population que le FLN ne peut rien leur apporter de bon. Il me paraît difficile d’appeler à la paix entouré de soldats. Je refuse dès lors toute garde rapprochée dans mes tournées. Mon 4x4 est muni d’un haut-parleur et je vais de village en village seul, avec un chauffeur. Cette faible présence armée, me rapproche de la population, des enfants accourent autour du 4X4 dans les villages. Cela va même me sauver la vie. Un jour, un membre du FLN veut lancer une grenade sur mon 4x4, mais la présence des enfants l’en empêche. Il lance sa grenade un peu plus loin dans le mess des sous officiers. Heureusement personne n’est blessé. Le fellagha est arrêté et j’obtiens l’autorisation de l’emmener sur le marché du village. Je peux le montrer aux villageois pour appuyer mon discours : « Ce sont les membres du FLN les assassins, pas nous, c’est lui le salaud. »

le service de santeJe travaille également main dans la main avec les SAS (Section d’Action Spéciale) qui, souvent accompagnées de harkis, organisent l’action sociale et psychologique dans la région. J’ai le souvenir qu’ils étaient plutôt bien accueillis par la population qui, à ce moment là, était plutôt pro-française.

Le 13 mai 1958, je suis tranquillement en train d’écouter la radio, dans le village où j’ai mes quartiers. Je comprends qu’il est en train de se passer quelque chose d’important à Alger. Vers 23 h 00, je téléphone à mon commandant : « Mon commandant, ça barde à Alger, il y a une sorte d’insurrection, on va peut être revoir de Gaulle. » Le commandant m’envoie promener : « Ça ne m’intéresse pas » et il raccroche pour continuer sa nuit.

Après le 13 mai, l’ambiance dans les campagnes change radicalement. De mai à octobre la différence est considérable. Les habitants, qu’ils soient pieds noirs ou Arabes, mettent, dans un premier temps leur confiance en de Gaulle. Ils pensent qu’il va amener la paix.

Je suis chargé, avec d’autres, d’organiser le référendum. Toutes les listes électorales sont mises à jour. Je sillonne les douars pour prévenir les villageois de la date du référendum. Dans certains lieux, je suis le premier Français qu’ils voient. Dans le même temps le FLN appelle au boycott du référendum. Je m’aperçois qu’ils se sont procuré des bulletins de vote avant l’heure pour organiser leur propagande. Les organisateurs ont de leur côté prévu un bulletin blanc pour le oui et un bulletin violet pour le non, cette dernière couleur étant jugée néfaste dans le monde arabe. Les ¾ des votants de la région ne savent ni lire ni écrire et il faut donc expliquer, dans chaque village. La population est enthousiaste : Ils ont l’impression de voter pour la paix. Le jour de l’élection, je parcours les villages pour apporter les urnes. Les villageois m’attendent déjà depuis deux ou trois heures au risque d’être inquiétés par le FLN. Ceux qui ne sont pas inscrits sur les listes viennent quand même, espérant voter. J’ai en tête l’image de ce jeune arabe qui pousse une exclamation de joie après avoir mis son bulletin dans l’urne.

Cet espoir pour la paix sera vite déçu. Les élections législatives qui suivent intéresseront peu les Algériens. La routine habituelle reprend ses droits et je retourne en France avec un profond soulagement en mars 1959.

Quand je repense à l’Algérie aujourd’hui, j’ai surtout le souvenir de m’être profondément ennuyé. Sur toute la période, j’ai peut être eu trois accrochages, dont un sérieux. Pendant les opérations, les échanges de coups de feu étaient rares. Il m’est arrivé de regarder des films sur la guerre d’Algérie par la suite, qui donnent la part belle aux combats. Je n’y ai jamais retrouvé ce que j’avais vécu.  

 

                        Edouard  Longueville 

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